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Pourquoi confier ses vendanges manuelles à un prestataire de service est "illicite" dans le Vaucluse
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Administration tatillonne
Pourquoi confier ses vendanges manuelles à un prestataire de service est "illicite" dans le Vaucluse

Dans le Vaucluse, l’administration départementale fait la guerre aux exploitations qui confient leurs vendanges manuelles à des prestataires de services, considérant que cela constitue du prêt illicite de main-d’œuvre.
Par Chantal Sarrazin Le 28 mai 2024
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Pourquoi confier ses vendanges manuelles à un prestataire de service est
Vendange manuelle dans les Côtes du Rhône. - crédit photo : PhotoPQR/Le Dauphiné/Stéphane Marc
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ans le Vaucluse, confier les vendanges manuelles à des prestataires de services est «illicite». Oui, vous avez bien lu : illicite ! La direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS) considère en effet que ce travail ne nécessite pas de techni­cité particulière. Or, selon cette administration, pour justifier le recours à un prestataire, ce dernier doit apporter un savoir-faire technique. En vertu de ce principe, la DDETS du Vaucluse considère que l’ébourgeonnage, l’attachage ou la plantation ne peuvent pas non plus être confiés à un prestataire car il n’y a pas besoin de compétence particulière pour réaliser ces travaux… Pour la taille, en revanche, ce recours est permis.

Un chantier bloqué plusieurs heures

«Il s’agit d’une interprétation très tatillonne de la réglementation», déplore un responsable professionnel, qui ne comprend pas pourquoi l’Inspection du travail du Vaucluse en a fait un cheval de bataille. En attendant, des vignerons en font les frais. «Mi-septembre, l’an dernier, deux inspecteurs ont effectué un contrôle sur une parcelle en cours de récolte, raconte l’un d’entre eux. Je n’étais pas présent. Sur place, il y avait une dizaine de cueilleurs employés par le prestataire de services auquel j’avais fait appel. Les inspecteurs ont contrôlé leur identité. Le chantier est resté bloqué pendant plusieurs heures.»

Le couperet est tombé quelques mois plus tard. «J’ai reçu un courrier me demandant de fournir une série de pièces relatives à la prestation, enchaîne ce vigneron, qui souhaite garder l’anonymat. Comme le contrat portant sur les services conclus, les modalités de fixation des prix…» S’il n’y avait que cela… Mais l’administration lui reproche de s’être livré à du «prêt de main-d’œuvre illicite», ce qui est passible de 30 000€ d’amende et de deux ans d’emprisonnement. Convoqué à la DDETS, il a dû répondre à une salve de questions sur les travaux qu’il a confiés à son prestataire. Son dossier va être transmis au procureur de la République de Carpentras, qui décidera des suites à donner.

Depuis 2019, une dizaine de dossiers de ce type seraient arrivés sur le bureau du ministère public, d’après nos sources. Toutes ces affaires se seraient soldées par de simples rappels à la loi.

Coincés entre obligations et restrictions

Dans la même situation que son confrère, un vigneron de la vallée du Rhône se désole. «On est coincé. L’administration nous refuse le droit de faire appel à des prestataires de services pour effectuer les vendanges manuelles. Or, chez nous, elles sont obligatoires, et il est de plus en plus difficile de trouver de la main-d’œuvre. Autrefois, on y arrivait. Mais aujourd’hui, c’est mission impossible. Et si des personnes se présentent, elles ne viennent qu’un jour ou deux et puis s’en vont. La récolte, elle, n’attend pas.»

Ce vigneron s’est défendu en expliquant que le tri du raisin à la parcelle est obligatoire dans son appellation. «Cela requiert de l’expertise et donc de la technicité», argumente-t-il. En attendant, il s’inquiète pour les vendanges à venir : «On est dans l’impasse.»

Interpellées par leurs adhérents, les instances professionnelles sont montées au créneau. «Dès 2019, nous avons pris contact avec la DDETS en nous étonnant de cette situation, indique Jessica Payeras, directrice du syndicat des vignerons de Châteauneuf-du-Pape. La prestation de services a toujours existé et, jusque-là, l’administration n’y voyait pas d’inconvénient.»

Les viticulteurs invités à se tourner vers France Travail ou les agences d'intérim

Pour se justifier, la DDETS met en avant une note ministérielle, dont l’interprétation qu’elle en fait laisse perplexe (voir l’encadré). Et elle conseille aux viticulteurs de se tourner vers France Travail ou des agences d’intérim afin de trouver des vendangeurs. «À Châteauneuf-du-Pape, ce sont pas moins de 300exploitations qui ont besoin de vendangeurs au même moment, observe Jessica Payeras. France Travail ne sait pas répondre à ce besoin, ni aucune agence d’intérim.»

Autre source d’incompréhension, seul le Vaucluse est concerné par ce problème. «J’ai sondé d’autres régions, explique Thierry Vaute, président des Vignerons Indépendants de la vallée du Rhône. Il n’y a rien de semblable ailleurs, alors que de nombreux viticulteurs font appel à des prestataires de services pour les vendanges et les autres travaux dans les vignes.» Contactée par La Vigne, la DDETS a botté en touche en invoquant un motif tout trouvé : l’obligation de réserve en période pré­électorale.

«Nous avons l’impression d’être dans le collimateur de cette administration, commente Sophie Vache, présidente de la FDSEA de Vaucluse. Nous l’avons rencontrée à plusieurs reprises afin de faire valoir nos arguments et demander une tolérance pour la période des vendanges. On nous répond “oui”, mais ce n’est jamais suivi d’effet.»

Un groupe de travail planche sur le sujet

Depuis cette année, la FDSEA a constitué un groupe de travail avec les syndicats de vignerons des Côtes-du-Rhône et de Châteauneuf-du-Pape, la Fédération des Vignerons Indépendants, La Coopération Agricole Sud, des représentants d’autres filières agricoles et de prestataires de services. «Étant donné que nous sommes le seul département dans ce cas de figure, on est très peu aidés, déplore Claire ­Merland, directrice de la FDSEA. Pour autant, on ne désespère pas de faire bouger les lignes.» Récemment, un soutien est venu de la députée RN du Vaucluse, Marie- France Lorho. Fin février, avec vingt-six autres députés, elle a formellement demandé au gouvernement d’inviter la direction départementale du travail du Vaucluse à revoir sa position. Affaire à suivre.

 

Une lecture orientée

Selon la Direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités du Vaucluse (DDETS), les vendanges manuelles ne peuvent pas être confiées à des prestataires de services car elles ne nécessitent pas de gestes techniques. Pour justifier de cette interprétation, la DDETS s’appuie sur une ancienne note ministérielle relative à la sous-traitance. Cette note datée du 20mars 2000 stipule que «le contrat doit avoir pour objet l’exécution d’une tâche nettement définie que le donneur d’ordre ne veut ou ne peut pas accomplir lui-même avec son personnel, pour des raisons d’opportunité économique ou de spécificité technique.» De cette instruction, la DDETS ne retient visiblement que la «spécificité technique», et fait l’impasse sur les aspects économiques qui constituent la principale raison pour laquelle les vignerons ont recours à des prestataires.

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Tous les commentaires (8)
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bill et boule Le 31 mai 2024 à 23:04:48
C est important de continuer à mettre sur le grill les petits patrons , beaucoup de ces petits fonctionnaires vous le diront. Les mêmes découvriront les vrais chiffres du RN le 9 juin au soir ...et tomberont des nuls comme disait Coluche sans établir le lien . On vit une époque formidable :^) Tous en show room pour acheter des machines à vendanger et créer un peu plus de chomage dans nos territoires comme ils disent intra boulevard périphérique :^)
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Marquis Le 31 mai 2024 à 17:19:14
Encore une fois, on est dans la répression plutôt que dans la recherche de solutions..
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gm Le 29 mai 2024 à 12:22:41
En cherchant 3 secondes sur Google, on s'aperçoit qu'il ne s'agit pas d'une obscure note ministérielle, mais de la réponse du ministre à la question d'un parlementaire, parue au JO le 20 mars 2020, et qu'elle va bien au-delà du petit passage cité. Cette réponse s'appuie vraisemblablement sur de la jurisprudence, où il ne s'agit pas seulement de vérifier la raison économique du contrat (ce n'est d'ailleurs pas en soit constitutif de l'infraction dans le code du travail). Il s'agit aussi de voir si les salariés sont bien restés sous la responsabilité hiérarchique de l'entreprise prestataire et avec un montant du contrat préétabli (comme dans un vrai contrat de sous-traitance), plutôt que sous l'autorité du viticulteur et éventuellement pour un travail à l'heure refacturée. Tout ceci pour la protection des travailleurs, qui se retrouvent sinon à faire de l'intérim sans les avantages (les 10% de prime de fin de mission et 10% de prime de compensation des congés payés). Espérons que l'article puisse aller plus loin le jour où la DDETS répondra (ou bien si le viticulteur vous transmet le PV, chiche), pour démêler si les inspecteurs se sont facilité la vie pour ne pas avoir à démontrer la fausse sous-traitance, ou si c'est la FDSEA qui fait semblant de ne pas comprendre ce qui est vraiment reproché dans ces dossiers...
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Tonton Le 29 mai 2024 à 09:36:19
Les vendanges m ont permis d acheter un vélomoteur, payer mes études etc? Avec des lois absurdes et des fonctionnaires comment motiver des jeunes à travailler et être fier de travailler . Dans les années 80 en Languedoc Roussillon l Onivit géré 400 000 hectares avec 30 agents maintenant ils sont 100 pour 180 000 hectares Cherchez l erreur ? Les fonctionnaires ont augmenté façon exponentielle dans un objectif de contrôle et de sanctions. Comment une économie viticole peut elle être innovante , et dynamique ? . Les politiques ont ils un pouvoir sur cette administration ?
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MG Le 29 mai 2024 à 09:09:52
Le préfet, représentant de l' Etat, doit agir. Il faut mettre fin a ces petits monarque alors qu'on nous a promis de la simplification.
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Anto Le 29 mai 2024 à 01:21:29
Mais c'est clairement n'importe quoi pourquoi ne pas interdire également l'emploi de salariés si c'est pas pour une tâche qualifié aller le patron de auchan il ira remplir les rayon tout seul lol
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VignerondeRions Le 28 mai 2024 à 22:47:11
Les administrations sont des États dans L'État. Ils interprètent les textes à leurs sauces, dans chaque département sans avoir de compte à rendre à personne. Toi comme tu es patron, tu dois te démerder avec tout ça, et évidemment tu n'as que ça à faire de te battre contre des moulins à vent, parce que c'est ton coeur de métier. Les vieux sont aussi hors la loi, ils font faire de la pression de service chez eux qui ne nécessitent pas de technicités particulières.
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Benoît83100 Le 28 mai 2024 à 19:54:59
Dans le Var aussi la DDETS a tendance à vouloir sanctionner le recours aux prestataires de travaux agricoles pour les travaux ne nécessitant pas de qualifications particulières? Ai été relaxé il y a quelques années comme gérant d'une entreprise de travaux agricoles après plusieurs mois de bras de fer, d'énergie dépensée et d'honoraires d'avocats. Au final les intimidations n'ont servie à rien. Est ce un drame que les domaines sous traitent faute de ne trouver du personnel ?
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