uelle est la situation économique du vignoble de Bergerac cette fin de printemps ?
Laurence Rival : Nous n’avons pas de stocks, et donc pas de surstocks. Mais nous avons un problème de valorisation sur les vins rouges, c’est certain. Nous pensons que c’est dû au surstock national de vins rouges d’AOP régionales (Bordeaux, Côtes-du-Rhône...). Les valorisations des vins blancs et moelleux sont correctes. Pour les rouges, on est à 800 € le tonneau, ce qui n’est pas au niveau des coûts de production. Mais le marché ne laisse pas le choix, quand les côtes-du-rhône et les bordeaux baissent leurs prix, nous ne pouvons pas monter les nôtres.
Malgré votre équilibre entre l’offre et la demande sur le papier, le marché ne suit pas en pouvant substituer un vin AOP rouge par un autre moins cher…
C’est certain. Tant qu’il y a trop de production en France, les prix diminuent et nous n’avons pas un prix de revient suffisant, ce qui nous met en difficulté. J’attends que les courtiers et le négoce paient le vin au prix adéquat. Mais comme ils trouvent des vins moins chers partout en France, c’est compliqué de pouvoir vendre au juste prix. Je ne veux pas faire de commentaires désagréables, eux aussi sont en difficulté avec la baisse de la consommation. Un négociant du Sud de la France me disait qu’il n’a même pas besoin de négocier les prix à la baisse, les vignerons l’appellent directement pour les réduire d’eux-mêmes pour vendre et faire de la trésorerie. La surproduction de vin rouge fait que la baisse des prix est automatique, le négoce n’a même pas à la demander.
Ces prix de vente non rémunérateurs tendent-ils les trésoreries ? Et provoquent-ils des procédures collectives ?
Nous n’avons pas de chiffres officiels, mais nous suivons la tendance de Bordeaux. Nos trésoreries sont mises à mal. Quand cela fait trois ans que vous perdez de l’argent, ça ne peut qu’être difficile. Il y a trop de vins rouges en France. Le marché est national : si nos voisins ne vont pas bien, nous n’allons pas bien. Tant que les stocks nationaux ne seront pas réduits, j’ai peur que les prix ne remontent pas chez nous.
Parle-t-on de besoin de distillation et d’arrachage comme à Bordeaux ?
Je suis perplexe sur la distillation. Lors de la dernière campagne, le prix de la distillation est devenu le cours du vrac. Si ça fait diminuer les stocks, ça fait aussi baisser les prix. S’il y a une aide nationale à la distillation, des viticulteurs pourraient en demander à Bergerac, mais d’après les chiffres de vente de l’interprofession, il n’y a pas de surstock.
S’il y a un arrachage, il s’en fera en Bergerac et Duras. En 2025, il y aura une perte de 1 500 hectares. Nous étions à 10 000 ha en 2024, nous allons descendre à 8 500 ha avec l’arrachage. La moitié du vignoble est en blanc. En rouge, il ne reste plus grand-chose. Comme nos rendements sont tombés à moins de 40 hl/ha depuis 5 ans, nos ventes sont dans la moyenne de nos récoltes. C’est pour ça qu’il n’y a pas de stock. Si l’on produit 40 hl/ha en 2025, on sera à l’équilibre : on arrivera à vendre toute la production, du moins si la consommation ne chute pas encore.
Je souhaite que le prochain arrachage distingue les vignes rouges de celles blanches. Pour que seules les rouges aient la prime à l’arrachage. Ce n’était pas le cas la dernière fois, alors que l’on manque de blancs et que les ventes restent à bon prix. Je comprends les difficultés pour ceux qui veulent arrêter et qui n’ont pas de reprise quand ils arrivent à la retraite. C’est compliqué, il n’y a pas de solution idéale.