yant défrayé la chronique, l’annonce ce premier mai par la Lettre de la volonté de la nouvelle direction de Moët Hennessy (champagnes Moët & Chandon, Dom Pérignon, Veuve Clicquot, Krug, Ruinart, Mercier, cognacs Hennessy, les vins du château d'Yquem à Sauternes et du château Cheval Blanc à Saint-Émilion, du domaine du Clos des Lambrays en Bourgogne, des châteaux d’Esclans et Minuty en Provence…) de réduire de 10 % la masse salariale de la branche vins et spiritueux du groupe LVMH n’a pas manqué d’être évoquée ce mercredi 21 mai au Sénat, lors de l’audience de Bernard Arnault, le président-directeur général du premier groupe de luxe au monde (85 milliards d'euros de chiffre d’affaires en 2024 pour 215 000 employés dans le monde), par la commission d'enquête sur l'utilisation des aides publiques aux grandes entreprises (employant plus de 1 000 salariés et réalisant un chiffre d'affaires net mondial d'au moins 450 millions d'euros par an).
Entre les taxes antidumpings fermant le marché chinois, les taxes américaines pouvant changer du jour au lendemain selon les annonces de Donald Trump et les perspectives économiques mondiales négatives, « votre entreprise traverse des difficultés » reconnait le sénateur Fabien Gay (Seine-Saint-Denis, Parti Communiste Français). « Mais vous augmentez la rémunération des actionnaires (dividende stable de 12 euros en 2023, 12 euros en 2024, et 13 euros en 2025), vous supprimez 1 200 emplois » poursuit le rapporteur interpellant : « comprenez-vous, Monsieur Arnault, que cela puisse heurter et que cela pose des questions, qu'un groupe comme le vôtre, accompagné de manière importante par des aides publiques, choisisse de se séparer de 1 200 salariés plutôt que de baisser le versement de dividendes ? »
Passe d’armes
« Vous avez vous-même souligné que les 1 200 personnes dont il a été question sont des cadres. Il ne s'agit pas de les licencier, mais de mettre en place un plan pour ne pas renouveler les départs volontaires ou les départs à la retraite » répond Bernard Arnault, précisant que « c'est une exagération de parler de suppression d'emplois : il s'agit simplement de ne pas remplacer les départs naturels ». Une mise en perspective que réfute Fabien Gay : « il y aura 1 200 emplois supprimés : ce n'est pas une vérité alternative, Monsieur Arnaud. C'est un fait. » Pour Bernard Arnault, « quelqu'un qui part à la retraite ne se retrouve pas au chômage, cela n'a rien à voir avec un licenciement ». Voulant clore le débat, le sénateur Olivier Rietmann (Haute-Saône, les Républicains) coupe la poire en deux en tant que président de la commission d’enquête : « nous ne parlerons pas de suppression d'emploi, car personne ne se retrouve au chômag. Cependant, il y aura des suppressions de postes, ce qui signifie qu'il y aura moins de postes au sein de l'entreprise. »
Mais « est-il obligatoire de maintenir un nombre de postes constant ? » réagit Bernard Arnault, reconnaissant que « moralement, comme le groupe gagne de l'argent et progresse, nous avons la responsabilité de ne pas procéder à des licenciements », mais que stratégiquement, « nous ne pouvons pas être tenus de maintenir un nombre constant d'emplois lorsque la conjoncture est difficile ». Un conjoncture sur laquelle le PDG de LVMH est revenu, car « j'ai le sentiment qu'en France, on n'est pas pleinement conscient du problème » que constituent les menaces chinoises et américaines sur l’export des vins et spiritueux français en général, et sur les expéditions des eaux-de-vie charentaises en particulier.


« 80 % des ventes de cognac dans le monde se font en Chine et aux États-Unis » brosse Bernard Arnault, alors qu’« il y a un problème très sérieux avec la Chine, suite aux difficultés qu'a faites l'Union Européenne pour les voitures électriques chinoises importées en Europe, et on a le problème de la négociation globale des droits de douane avec les États-Unis. » Si l’enquête antidumping aboutit début juillet à l’imposition de taxes à 38 % sur les cognacs importés et que l’administration de Donald Trump taxe à 50 % ou plus les produits européens, « il y aurait des répercussions dramatiques sur la viticulture de la Charente, qui emploie environ 80 000 personnes et représente 80 % de l'activité. Nous achetons de l'eau de vie à des petits producteurs et si la demande s'arrête, nous serons dans l'obligation d'arrêter d'acheter » prévient Bernard Arnault, qui appelle à la négociation avec la Chine et les États-Unis. S’il n’y a pas d’avancée diplomatique, c’est un plan social sur la toute la filière des vins et spiritueux qui menace.