eviendra-t-elle l’affaire judiciaire de la décennie pour la filière vin, avec sa demande d’amende de 6,6 millions d’euros, ou un loupé complet d’anthologie pour l’administration, avec sa poursuite d’une pratique usuelle ne faisant pas de vaque entre vignerons et négociants ? Dans tous les cas, l’assignation pour « pratiques commerciales abusives » du négoce Lacheteau, premier opérateur des vins tranquilles et effervescents du val de Loire et filiale du groupe des Grands Chais de France (GCF, premier négoce des vins en Europe), est désormais entre les mains du tribunal correctionnel de Rennes (Ille-et-Vilaine). Et mobilise contre elle les interprofessions vitivinicoles (prêtes à intervenir à dans le dossier, nationalement avec le CNIV et régionalement avec InterLoire). Les institutions de la filière partageant l’analyse de GCF : il n’y a rien d’abusif à expliquer sur un contrat pluriannuel que le prix du raisin ou du moût est calculé à partir du prix du vin dont sont déduits les frais de vinification. Défendant un outil transparent et partagé de l'amont à l'aval, la filière ne comprend pas que l’administration se prévale de l’esprit de la loi Egalim, dont la première version a été votée en 2018, quand les faits poursuivis datent de 2016-2018. Et sont aussi habituels que consensuels dans le val de Loire, où la contractualisation des raisins est particulièrement développée.
Contactée par Vitisphere, la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) persiste et signe. Rapportant que « la société Lacheteau déduit du prix d’achat des frais liés à l’élimination des sous-produits, à l’enrichissement et à la vinification », l’administration a triplé le bénéfice qu’elle estime que GCF a tiré de cette mesure pour demander une amende. La DGCCRF explique également que « la procédure civile lancée à l’encontre de Lacheteau est fondée sur l’interdiction d’obtention d’avantages sans contrepartie, qui est une disposition antérieure au dispositif Egalim. Néanmoins, ce dossier est mis en œuvre dans l’esprit d’Egalim puisque les pratiques portent atteinte à la rémunération des producteurs agricoles ; elles impliquent en effet la prise en charge, par les producteurs, de certains frais qui ne devraient pas leur incomber. »


L’administration se targuant de défendre le vignoble en difficulté en temps de crise, les dents grincent dans la filière. Comme ce représentant du négoce critiquant une DGCCRF qui se prend pour « un Robin des bois qui voudrait remplacer la perte de valeur de la production liée à la déconsommation par de l’amende illégitime imposée potentiellement au négoce qui subit pourtant lui aussi la déconsommation ».
Quant à la question de savoir si d’autres dossiers du type de Lacheteau sont instruits par la DGCCRF, l’administration précise ne pas pouvoir commenter « des investigations en cours qui n’auraient pas déjà abouties à des suites assorties d’une mesure publication ».