iolent localement, l’orage de grêle ayant touché des dizaines d’hectares de vignes bordelaises ce samedi 10 mai n’a pas encore de dégâts chiffrés (la Chambre d’Agriculture de Gironde ouvre un formulaire pour que les vignerons touchés se signalent) mais met en lumière les enjeux de la défense antigrêle, alors que, faute de moyens, il n’y a pas eu activation des générateurs à iodure d’argent de l’Association Départementale d'Etude et de Lutte contre les Fléaux Atmosphériques de la Gironde (ADELFA 33). Ayant 8 hectares de vignes ravagés à 100 % par les grêlons sur la commune de Saint-Sulpice-de-Faleyrens grêlés (du merlot en AOC Bordeaux), Franck Descudé, des vignobles Denis Barraud (36 ha à Branne) n’a pas opté pour l’assurance climatique : « c’est trop cher. Quand on vend le Bordeaux au ras des pâquerettes, mieux vaut cotiser pour des canons (réseau collectif Adelfa) ou des ballons (solution privée Selerys) plutôt que de payer une assurance qui ne rapporte rien. »
Le vigneron indépendant préfère les ballons, constatant qu’après l’orage du 10 mai, « Saint-Émilion est peu touché étant équipé de ballons à sels hygroscopiques. Leurs postes pour les lancer en périphérie ne marchent pas mal. Il faudrait que l’on ait ce dispositif en AOC Bordeaux. Protéger les vignes de la grêle, ça sauve des vies. Pour des vignerons en très grosse difficulté, quand moralement tu vois le samedi tes vignes grêlées, tu n’as plus qu’à te jeter dans la Dordogne » pointe Franck Descudé, qui reconnait que financièrement le système des ballons « est plus cher [que celui de l’ADELFA à 1,5 €/ha], mais on pourrait le partager entre vignerons et avec les assureurs (cela protège aussi les maisons et voitures de tout le monde). Il faudrait même qu’une partie soit déductible des impôts… »


Actionné ce 10 mai, le système Selerys de Saint-Émilion en est déjà à sa troisième alerte de l’année 2025 : « heureusement que l’on a tiré des ballons » rapporte Jean-François Galhaud, le président du conseil des vins de Saint-Émilion, qui le reconnaît : avec Selerys il est « plus serein. Je dors plus tranquille en sachant que des bénévoles veillent et lancent des ballons ». Mis en place en 2020 pour sept années d’expérimentation, le système est a priori satisfaisant : « il nous protège de 70 à 80 %, grâce à un radar de proximité sur Saint-Christophe-des-Bardes qui analyse la dangerosité des cellules orageuses avec des algorithmes de plus en plus performants » pointe Jean-François Galhaud, qui rappelle l’investissement que cela représente : 3 millions d’euros à l’installation des 37 postes de tir (2 vont être installés ce millésime) et 500 000 € de consommables par an (le réseau étant piloté par une trentaine de bénévoles avec des astreintes).
Cotisation différenciée
Ce qui aboutit à une cotisation différenciée selon les propriétés : 225 €/ha pour les premiers grands crus classés de Saint-Émilion, 125 € pour les autres grands crus classés de Saint-Émilion, 75 €/ha en AOC Saint-Émilion Grand Cru et 40 ha en AOC Saint-Émilion, Puisseguin et Lussac. Se donnant les moyens de protéger son vignoble malgé les difficultés économiques actuelles, le conseil des vins de Saint-Émilion reste solidaire de l’ADELFA précise Jean-François Galhaud, qui trouve désolante la réduction des aides par le département et se dit prêt à augmenter ses cotisations si le vignoble bordelais l’acte collectivement au sein de la Fédération des Grands Vins de Bordeaux (FGVB).
Si le vignoble sera sans doute obligé de demander un effort supplémentaire pour l’ADELFA face au manque de financement départemental, il semble difficile de faire un effort aussi conséquent qu’une cotisation pour Selerys sur l’appellation régionale dans le contexte de tension économique actuelle pointe Stéphane Gabard, le président de l’AOC Bordeaux, qui compte porter la question en assemblée générale pour avoir le ressenti des viticulteurs : « il y a ceux qui y croient [aux canons antigrêles] et ceux qui n’y croient pas, ceux qui veulent investir plus et ceux qui veulent tout arrêter. La collectivité doit trancher. » Mais pour le président d’Organisme de Défense et de Gestion (ODG), « la prévention sera toujours mieux que l’indemnisation ». Sachant qu’il serait nécessaire de réunir davantage de financeurs des moyens de lutte contre la grêle pour le réseau ADELFA : « les assureurs, les communes, les collectivités de commune et l’agglomération de Bordeaux… Soit on prouve que le dispositif ne fonctionne pas, soit on valide un effet n’empêchant pas la grêle, mais réduisant la taille des grêlons et les dégâts. » Et dans ce cas la protection des biens serait à partager.