in avril, la société Freixenet annonçait un plan social impliquant près d’un quart de ses effectifs. Ironie du sort : l’annonce a coïncidé avec des précipitations importantes en Catalogne et la levée de la plupart des restrictions d’utilisation d’eau. Il n’empêche que la période de sécheresse prolongée a entraîné de graves perturbations pour les bulles espagnoles, « poussant le secteur du cava dans une crise sans précédent », insiste la maison Freixenet, qui appartient au groupe allemand Henkell et à la famille Ferrer.
-45% de récolte depuis 2022
Les données relatives à la commercialisation du cava en 2024, diffusées par le conseil régulateur, confirme les difficultés auxquelles la DO fait face. Si la baisse des ventes a été limitée à 3,5% sur le marché intérieur, elle a atteint 18% à l’exportation. Cela, sachant que plus de 70% des 218 millions de col vendus sont expédiés en dehors du pays, le cava étant l’appellation espagnole la plus exportée. Le marché allemand a été particulièrement touché par la pénurie de produits provoquée par la sécheresse : les expéditions y ont chuté de près de 20 millions de bouteilles l’an dernier. « La rareté des raisins, conjuguée à une souplesse réglementaire limitée, a réduit notre capacité à répondre à la demande des marchés internationaux », a indiqué Freixenet dans un courrier adressé à ses collaborateurs, où elle affirme que « les récoltes ont diminué de près de 45% dans la zone du Penedès depuis 2022 ». Ainsi, pour « garantir le développement durable de l’entreprise » et s’adapter à la nouvelle réalité des marchés, celle-ci estime qu’il est indispensable de recourir à un processus de restructuration.
Epée de Damoclès aux USA
Sur les quelque 740 employés que compte Freixenet, jusqu’à 180 personnes seraient concernées au sein de la société éponyme et de Segura Viudas. En revanche, la branche commerciale ne serait pas affectée. L’an dernier, Freixenet avait demandé de pouvoir recourir à un plan de chômage technique, invoquant un cas de force majeure lié à la sécheresse. Le plan avait été rejeté par les autorités catalanes, qui estimaient que les conditions météorologiques étaient déjà connues. Aux difficultés climatiques s’ajoutent l’augmentation du coût des matières premières et la menace de droits de douane supplémentaires aux Etats-Unis, troisième marché export de la DO Cava. En tant que leader du secteur, le groupe Freixenet est particulièrement exposé à cette conjonction de facteurs que ne compensera que partiellement une volonté au sein de la filière de premiumiser son offre.
L’eau de barrage disputée
Le cava n’est pas la seule appellation espagnole confrontée à de graves problèmes hydriques. La DOQ Priorat, elle aussi, subit les effets d’une sécheresse persistante qui, ces deux dernières années, a provoqué une chute importante de la production de raisin. En 2023, la récolte atteignait 5,4 millions de kilos de cépages rouges et blancs. En 2024, elle est tombée à 4,037 millions de kilos, soit une baisse de 35 % par rapport à une année normale. Dans ce contexte de pénurie, la DOQ Priorat s’oppose au transfert de l’eau du barrage de Siurana vers celui de Riudecanyes « tant que les problèmes d’approvisionnement en eau dans la région ne sont pas résolus », a déclaré le conseil régulateur dans un communiqué. Selon lui, un tel transfert porterait atteinte à la viticulture locale, « une activité qui dépend étroitement de l’accès à l’eau pour sa survie ». En parallèle, le conseil poursuit le développement de projets visant à sécuriser l’irrigation des parcelles viticoles en production. Aujourd’hui, la DOQ Priorat rassemble une centaine de caves, représentant un véritable moteur économique et social pour la région. Elle fait partie des deux seules appellations à bénéficier du statut de dénomination d’origine qualifiée en Espagne.