’était un secret de polichinelle depuis plusieurs semaines. Mais Frédéric Rouanet le pose aujourd’hui très simplement à l’évocation de ce retrait, maintenant officialisé, de la présidence du syndicat des vignerons de l’Aude (SVA) : « un président doit savoir arriver, savoir exercer, mais aussi savoir partir. Un responsable, aussi engagé soit-il, ne doit jamais se croire indispensable. Il doit savoir transmettre, laisser place à d’autres énergies, d’autres visions. C’est le sens de mon geste, un acte volontaire, assumé, presque militant, pour montrer qu’il est possible, et sain, de passer le relais ».
« Sans renoncement ni lassitude », et poussé par des contraintes familiales qui ne lui auraient plus permis de vouer le temps nécessaire au syndicat, Frédéric Rouanet va passer la main lors de l’assemblée générale du 6 mai, après 12 ans d’un mandat qu’il a soumis chaque année au vote d’approbation de l’ensemble des adhérents du syndicat. Ces derniers décideront donc le 6 mai du ou de la successeur(e) de celui que le microcosme viticole languedocien a pris l’habitude de voir haranguer ses troupes à la tribune ou derrière son mégaphone.
Le collectif, c’est d’ailleurs toujours l’idée maîtresse que Frédéric Rouanet véhicule quand il s’exprime en sa qualité de président du SVA. Un leader, un capitaine derrière l’autorité duquel l’équipe se range, certes, mais jamais la volonté de prendre seul la lumière et passer avant ses coéquipiers. Depuis ses débuts, il évoque toujours les collègues, les copains, le groupe. « Durant ces douze années, je n’ai jamais été seul. Rien n’aurait été possible sans l’équipe formidable qui m’a entouré, sans les vignerons et vigneronnes qui m’ont soutenu, défié parfois, mais toujours inspiré. Ensemble, nous avons porté haut la voix de notre profession », appuie-t-il encore.
En se retournant sur son action, il se dit fier d’avoir contribué « à faire perdurer ce syndicat qui affiche 120 ans d’histoire », et reconnaît qu’il ne s’attendait pas au suivi médiatique qu’ont entraîné certaines actions. « On a géré comme on a pu, on en a joué aussi, car le relais médiatique nous a servi, mais ça a pu aussi nous desservir », pose-t-il. L’envers des feux de la rampe, inévitablement. Et dans le dur choix de « s’il fallait n’en choisir qu’une », l’action qui l’aura le plus marqué et rendu fier reste la manifestation du 25 novembre 2023 à Narbonne. 5 à 6 000 viticulteurs de tout l’arc méditerranéen s’étaient massés dans les rues de Narbonne à l’appel du syndicat. « On n’aurait jamais imaginé arriver à ça. Cela nous a permis d’obtenir des avancées qu’on n’imaginait pas, montrant que ce qu’on disait depuis des mois sur cette crise était tout sauf n’importe quoi », relance-t-il.


S’il cite volontiers « des limites au syndicalisme fort », il se réjouit pour l’avenir que l’action syndicale spectaculaire du péage du Boulou ait pu faire bouger les lignes « en rapprochant syndicalisme et décideurs économiques. Il y a depuis des échanges à haut niveau entre France, Italie et Espagne qu’il n’y avait pas avant, et qui sont de bon augure pour la future PAC ». Se disant persuadé que « derrière chaque crise, il y a un printemps, je sens que de bonnes choses peuvent arriver pour la filière, mais il ne faut pas que cette crise dure », Frédéric Rouanet passe le relais en appelant des jours meilleurs pour la filière. Et s’il ne prendra plus la lumière du premier plan médiatique des actions syndicales, nul ne doute qu’il ne sera jamais bien loin des discussions qui guideront la vie du syndicat.