es transporteurs étant le thermomètre des flux commerciaux, comment se sont comportés les exportateurs de vins et spiritueux français envers le marché américain depuis l’élection de Donald Trump du 5 novembre 2024 ? Surexpédition en anticipation puis calme plat dès l’annonce des droits de douane ?
Clément Desbois : Ce sont surtout les importateurs qui gèrent les transporteurs. Et qui ont réagi selon l’évolution de la situation dont ils étaient les plus au courant, même si la situation est chaotique depuis l’élection de Donald Trump. Le mois de décembre a été très fort, on a vu les expéditions augmenter de 30 % et cela a continué de janvier à mars, à +20 %.
Karine Pauchard : On a expédié davantage jusqu’à aujourd’hui, avec un report de volumes importants.
Après le yo-yo des taxes Trump ces dernières semaines (avec les 200 % sur les vins français du 13 mars passant à 20 % sur tous les produits européens le 2 avril puis à 10 % pendant 90 jours le 9 avril pour la majorité des biens), les exportations vers les États-Unis restent-elles à l’arrêt faute de visibilité ou repartent-elles pendant cette trêve pour stocker par prudence ?
Clément Desbois : L’annonce de la possibilité de 200 % de taxes a créé de fortes inquiétudes, au point que des clients ont demandé de tout stopper net. Il y a eu des réactions diverses. D’autres ont décidé de prendre en charge le surcoût d’un transport aérien pour éviter les 200 % sur les prix, notamment pour les vins de la campagne des primeurs de Bordeaux qui n’avaient aucune autre solution pour repasser le surcoût aux clients finaux. Pas mal de grands crus bordelais sont partis comme ça. Nos clients nous ont demandé d’étudier tous les scénarios possibles face aux 200 %, y compris des retours de containers sur l’eau.
Ensuite sont arrivés les 20 %, avec un délai très court, pour la semaine d’après [NDLA : l’annonce du jeudi 3 avril s’appliquant le mercredi 9 avril]. Les dés étaient déjà jetés. Les marchandises sur l’eau n’étaient pas concernées, seule la date de départ importait.
Karine Pauchard : Des clients qui avaient suspendu leurs expéditions à 200 % ont décidé de les reprendre à 20 %. D’autres non. Tout le monde n’a pas eu la même réaction. Et le premier trimestre a été compliqué pour les expéditions, avec des grèves dans les ports français qui n’ont pas aidé à garantir les départs.
Clément Desbois : Après sont arrivés les 10 % pendant 3 mois. Là, on sent que les clients sont dans la réflexion. On ne voit pas un afflux d’ordres. Il y a déjà un stock de vins qui est constitué. On me parle souvent de 4 mois de stock. Pour aller au-delà, il faut de la place et de la trésorerie. On a vu le portefeuille de commandes baisser fortement début avril. Nos clients font le calcul de ce qu’ils ont en stock et se projettent sur les ventes malgré les incertitudes. Ils ont du stock et 90 jours avant de voir s’il faut réajuster. Si cela perdure, on verra une plus forte activité en juillet.
Karine Pauchard : On sent maintient un frémissement dans les commandes. Le flux repart gentiment et normalement. Le mois d’avril est toujours actif.
Clément Desbois : Il y a eu beaucoup d’anticipation pour stocker à destination. Il risque d’y avoir de petits creux. Note point de vigilance actuellement concerne la volonté potentielle de l’administration américaine de taxer tous les porte-containers construits en Chine de 1,5 million de dollars dès qu’ils touchent un port américain et les compagnies chinoises à 1,5 million $. Sur un service maritime normal, un bateau touche 3 à 4 ports américains…
Par rapport aux taxes 2019-2021, il n’y a bien cette fois pas de contournement possible pour le vin en vrac ?
Clément Desbois : Ce n’est pas envisageable. A l’époque, la taxation ciblait les contenants inférieurs à 2 litres et il y avait eu la solution de l’expédition en vrac. Ce n’est pas une option cette fois. Tout est taxé de la même manière.