conomie et environnement peuvent aller de pair selon Nicolas Dutour, ingénieur œnologue conseil aux Laboratoires Dubernet et vigneron négociant. Lors des rencontres des Vignerons Engagés, le 12 mars à Tain-L’Hermitage, il a partagé quelques pistes.
« Une stratégie de fertilisation ne sera efficace que si l’on cible l’élément limitant », insiste Nicolas Dutour. Il peut être identifié par l’observation de carence ou l’analyse du sol ou du végétal. « En sols calcaires, le fer est souvent limitant même dans des vignes que l’on voit vertes, observe-t-il. Dans un essai de 2020 dans le bordelais, l’apport de fer sous forme chélates a permis 20 % de hausse de rendement pour 20 €/ha. » D’autres oligo-éléments sont à surveiller : le manganèse en sols calcaires, le bore en sols acides ou érodés, plus rarement le zinc. Et ces éléments sont apportés de l’ordre du gramme/ha, donc avec un impact environnemental limité. Le mode d’apport a son importance aussi. « En réglant la vitesse d’avancement selon les besoins à tel ou tel endroit, on fait de la modulation de dose à pas cher », lâche-t-il, notant par ailleurs l’intérêt de la fertilisation par voie foliaire et la ferti-irrigation.
Si l’alternance des matières actives et des modes d’action est une base, la modulation des doses y ajoute des bénéfices économiques et environnementaux. « La surface foliaire évolue entre le début, le milieu et la fin de saison : on peut adapter l’ouverture des buses à la végétation », suggère Nicolas Dutour. Mais attention : avec des doses réduites, une mauvaise qualité de pulvérisation ne pardonne pas.
La pauvreté historique des sols viticoles est accentuée par le changement climatique et le choix d’une fertilisation plus minérale qu’organique. « Les vignes perdent de la vigueur à cause des évènements climatiques, elles font moins de bois, donc moins de restitution au sol, et c’est un cercle vicieux », poursuit-il. Jugeant nécessaire de « réaliser des apports carbonés au même titre que les apports azotés », il invite à s’intéresser aux composts de boues urbaines (ou Miate) qui sont une « source d’azote et phosphore durable à un prix compétitif », et riche en carbone stable. De nombreux labels et AOC les bannissent toutefois.
« Une vigne a intérêt à être amortie sur un grand nombre d’années », note l’ingénieur conseil en insistant sur la taille qui « doit respecter les flux de sèves ». Curetage, recépage, et regreffage sont aussi des solutions pour prolonger la durée de vie de la vigne.
Il propose aussi de baisser les densités de plantation : « On peut garder des rendements et qualités équivalents en diminuant les charges : plants, piquets, km/ha parcourus, taille et travaux en vert,… »
De petits gestes sont bons pour la trésorerie et l’environnement. « Toujours privilégier le conditionnement en poudre plutôt qu’en bidon, conseille Nicolas Dutour. Les produits en poudre sont plus concentrés, le sac pèse moins lourd qu’un bidon et évite de transporter de l’eau, et ils coûtent au final moins cher. » Autres exemples : le retrait de la capsule sur les cols représenterait un gain de 4 à 6 centimes par bouteille. L’expert invite aussi à limiter les décors et renforts sur les cartons « qui sont généralement détruits à l’arrivée chez les clients pro ». Et à se passer de contre-étiquette en intégrant tout sur l’étiquette, moyennant un gain de 2 à 6 centimes par col.