C’est un outil collaboratif. » Voilà la raison qui a poussé Olivier Chaignaud à tester l’application Devopp développée par la filière viticole de la Nouvelle-Aquitaine en 2022. Depuis, ce coopérateur installé sur 25 ha certifiés HVE à Lussac, en Gironde, ne s’en passe plus. À chaque fin de traitement, il allume son ordinateur pour y enregistrer la date, les produits et les doses qu’il a appliqués.
« Ça ne prend que quelques minutes. La saisie est intuitive et en fin de campagne, l’outil calcule automatiquement les IFT fongicides, herbicides et biocontrôle. Il indique les quantités de cuivre et de glyphosate par hectare. Près de 70 indicateurs différents peuvent ainsi être évalués. » Mais ce qu’apprécie le plus le vigneron, c’est de pouvoir comparer ses IFT avec ceux de ses voisins ou des autres adhérents de sa coopérative.
Et sur ce plan-là, Olivier Chaignaud s’en sort plutôt bien. « En 2024, mon IFT hors biocontrôle était de 8, soit 3 points de moins que mes voisins en conventionnel comme moi », se félicite-t-il. Un IFT relativement bas, qu’il explique par l’utilisation du soufre pour lutter contre l’oïdium. Cette année, il espère faire encore mieux. « L’année dernière, j’ai dû intégrer deux traitements avec des produits CMR, indique-t-il. Si les conditions sont plus clémentes cette année, je pourrai encore réduire mon IFT. » Autre intérêt de l’application : « Je saisis mon programme prévisionnel de traitement afin de m’assurer de la compatibilité des produits que je prévois de mélanger, du nombre d’applications à respecter et des doses autorisées. Avant, j’utilisais un tableau Excell. Devopp, c’est véritable gain de temps ».
Après ce retour positif et ceux venant d’autres coopérateurs ayant testé Devopp, Lydie Grandjean, responsable technique de la coopérative Vignerons de Puisseguin Lussac Saint-Émilion, a mis la solution à la disposition de tous ses adhérents en 2023. Depuis, 95 % d’entre eux l’ont adoptée.
« Ils saisissent directement leurs traitements dans l’outil, explique la technicienne. Ça me permet de récupérer facilement les données. Les calculs d’IFT sont instantanés et à chaque fin de campagne, on peut éditer un bilan pour chaque coopérateur. Lorsqu’un vigneron s’aperçoit que 30 % des produits qu’il a appliqués lors d’une année compliquée sont classés CMR2, c’est percutant. On peut lui proposer d’améliorer sa pulvérisation ou privilégier le soufre plutôt que les IBS contre l’oïdium, car nous sommes sur un secteur où la pression est faible. »
À quelques kilomètres de là, Thomas Thiou, propriétaire du Château La Couronne, 11 ha à Montagne, saisit tout son programme dans Devopp depuis 2023. « Afin de disposer d’une synthèse des molécules utilisées, calculer mon IFT et connaître la part de biocontrôles. Tout cela me permet de prendre du recul et d’améliorer mes pratiques l’année suivante. » Pour autant, il n’a pas abandonné son cahier de traitement. « Contrairement à mon petit cahier, je ne peux pas saisir d’annotation dans Devopp, par exemple que j’ai dû interrompre un traitement », indique ce viticulteur, qui apprécierait d’autres améliorations : pouvoir saisir l’horaire des traitements, le nom du chauffeur qui les a effectués ou encore le volume de bouillie à l’hectare.
Pour la campagne à venir, une nouvelle version de Devopp devrait être disponible, qui permettra d’enregistrer les traitements par îlots ou à la parcelle. Une évolution que Lydie Grandjean attend avec impatience. « Cela va nous permettre d’affiner l’analyse des calendriers de traitement, afin d’adapter les doses à la parcelle et inciter les vignerons à renouveler la protection uniquement où c’est nécessaire. Nous disposons d’un réseau de 32 stations météo, ce qui nous permet de connaître la pluviométrie et donc le lessivage des produits. » Reste à savoir s’il est possible, en pratique, de gérer les traitements à la parcelle.
Gratuit et collaboratif, Devopp a déjà conquis 700 vignerons qui cumulent 17 000 hectares cultivés, selon Hélène Fouilliard, chargée du projet. « Développé conjointement par le GDon du Libournais et le Groupement d’intérêt public, d’aménagement du territoire et de gestion des risques, ce projet s’est concrétisé en 2022, grâce au financement de la banque des territoires, la région Nouvelle-Aquitaine et les interprofessions de Bordeaux, Cognac et Bergerac. Ce financement est planifié jusqu’en 2027 ». Après quoi, l’utilisation de l’application pourrait fort bien devenir payante.