’il avait été expert-comptable, il n’aurait pas vu autant de lièvres bondissants, d’insectes bourdonnants ni de soleils couchants. Y penser fait rire Franck Soulier. Le jeune homme, qui fêtera ses 35 ans cette année, est bien dans ses bottes de viticulteur. L’exploitation familiale sur laquelle il s’est installé en 2012 se situe à Saint-Pons-de-Mauchiens, dans l’Hérault. « Le vignoble est morcelé en petites parcelles qui s’étendent des garrigues jusqu’aux plaines de l’Hérault, décrit-il. C’est plus agréable qu’un bureau : on a une certaine liberté, des tâches variées et un cadre de travail exceptionnel ! »
Quinze ans plus tôt, cet amoureux du grand air a pourtant envisagé de devenir comptable. « Petit, je voulais être dans les vignes, retrace-t-il. Mais la crise est arrivée. Quand on voit ses parents galérer, on se dit qu’il faut faire autre chose. J’ai suivi deux ans de classe préparatoire compta-gestion. Et puis j’ai compris que c’était vraiment la viticulture qui me plaisait. Après mes études, j’ai été salarié de l’exploitation familiale pendant deux ans, puis je me suis installé. »
Avec son père, son oncle, et désormais son cousin Thomas en cours d’installation, il cultive 85 ha en AOP Languedoc et IGP Pays d’Oc, plantés d’une douzaine de cépages différents. « Avec seulement 10 % de surface irriguée, nous ne pouvons pas diversifier nos cultures mais nous diversifions nos cépages », argumente-t-il. Deux salariés sont embauchés huit mois par an pour la taille et les travaux en vert. Le rendement moyen monte à 90 hl/ha les meilleures années, moitié moins quand la sécheresse sévit.
L’exploitation livre sa vendange à la cave coopérative de Soubergues. « La coop permet de se concentrer sur le travail à la vigne, et l’esprit collectif me plaît », apprécie Franck.
Son installation n’a pas créé de conflit de générations, ses aînés étant déjà « ouverts d’esprit et modernes ». « Nous sommes passés en HVE il y a quelques années parce que le label était réclamé par le marché, mais nous cultivions déjà de manière raisonnée, reprend Franck. Nous cherchons à limiter les phytos, et le mistral est notre meilleur antimildiou ! Nous avons remplacé certains herbicides par du désherbage mécanique. Mais nous ne semons pas de couverts pour éviter la concurrence hydrique. Contre les insectes, nous avons testé la confusion sexuelle mais cela coûte trop cher. »
Au fil des ans, il voit le contexte économique, administratif et climatique s’assombrir. « Les prix payés par la cave se maintiennent, néanmoins nos charges augmentent, donc nos résultats baissent, constate Franck. La réglementation se durcit. Et le climat se complique. La chaleur nous force à travailler de plus en plus la nuit pour éviter d’abîmer la vigne. »
Conscient de la vulnérabilité de leur exploitation, les quatre associés cherchent des pistes de diversification. « Mais nous garderons toujours des vignes, assure Franck. Partir d’un tout petit plant, le chouchouter pendant des années et voir les gens se régaler avec le vin qui en est issu : il n’y a pas de plus beau métier. »
Depuis trois ans, à l’initiative de Thomas, le cousin de Frank, le Gaec Soulier livre du raisin à un domaine voisin qui en fait deux petites cuvées pour le Gaec. « Nous sélectionnons les parcelles ensemble et mon cousin s’occupe de vendre ces vins. Cela nous permet d’aller au bout du processus sans faire d’investissements, sachant que nous voulons rester coopérateurs », détaille Franck. En tout, Thomas vend 2 000 bouteilles de rouge et 1 000 de blanc aux particuliers, cavistes et restaurateurs locaux.