Vous offrez le champagne ou les CRS » lance un bonnet jaune ce mardi 25 février sur les quais de Bordeaux aux forces de l’ordre. Session d’installation sous tension pour la chambre d’Agriculture de Gironde, réunie à la cité mondiale du vin ce matin avec un important renfort de policiers et CRS*. Arrivée deuxième aux élections de février (avec 793 voix exprimées), la liste FDSEA-JA emmenée par le vigneron Jean-Samuel Eynard remporte la présidence de l’établissement public qui était convoitée par la Coordination Rurale (CR33), arrivée première de justesse (799 voix reçues en février), ayant pour candidate la viticultrice Nelly Buttignol. Sur les 36 membres de l’assemblée plénière pilotant la CA33 (dont 18 issus du collège des exploitants agricoles, selon un scrutin proportionnel à prime majoritaire), 20 votes ont donné dès le premier tour ce mardi la majorité à la candidature de Jean-Samuel Eynard, la CR33 récoltant 12 suffrages pour Nelly Buttignol et la Confédération Paysanne 3 bulletins pour sa proposition Cédric Labarrière (la liste de la Conf’ était arrivée troisième avec 582 voix exprimées lors des élections départementales). Un bulletin nul a été décompté. Au final, les 6 voix d’écart des agriculteurs sont devenues 8 voix en session.
Sortant avec fracas de la session, les 12 représentants de la CR33 dénoncent un déni de démocratie s’apparentant à un coup de force politique pour maintenir en poste FDSEA-JA sans la majorité du vote agricole. « On va pouvoir revenir tout casser » pouvait-on entendre. « C’est une mafia pure et dure » estime Nelly Buttignol, viticultrice dans l’Entre-deux-Mers (à Saint-Félix-de-Foncaude), pour qui « c’est honteux. Ce n’est pas la maison qui soutient les agriculteurs, mais qui protège des postes. » Estimant que les autres collèges (comme la MSA ou le Crédit Agricole) auraient dû rester neutres par « respect du résultat des urnes », Nelly Buttignol pointe que « la chambre sera ingérable. Une majorité des agriculteurs de Gironde n’ont pas voté pour eux. » Indiquant ne pas avoir arrêté de décisions sur les suites à donner. « Peut-être qu’il y aura des blocages, on verra dans les prochaines heures » ne s’avance pas le viticulteur Jean-Paul Eyres, la tête de liste pour la CR33 pendant les élections, dénonçant des « tractations de postes » permettant à la FNSEA de se maintenir comme dans les chambres d’agriculture de la Charente-Maritime et de la Lozère : « la fédé a beaucoup à perdre, cumulant des privilèges et des postes depuis le temps. C’est un vrai scandale, proche du coup d’état. »
Deuxième mi-temps
Autre son de cloche pour Jean-Samuel Eynard, président de la FDSEA33 tout juste élu président de la CA33. Le vigneron des Côtes de Bourg souligne que si le premier tour d’une élection Chambre est très politisée entre syndicat, le deuxième tour « repose plus sur les personnes ». Estimant que la fin de la deuxième mi-temps est sifflée, Jean-Samuel Eynard déclare maintenir sa proposition de bureau ouvert à toutes les composantes syndicales pour piloter la CA33. Proposant une place de secrétaire adjoint à un membre de la CR33, le nouveau président de la CA33 indique que la Confédération Paysanne a accepté la proposition, Cédric Labarrière devenant troisième secrétaire adjoint (voir encadré pour la composition du bureau). Dans un communiqué, la Confédération Paysanne indique qu'« elle ne "collaborera" pas avec la FNSEA : elle a demandé un poste de vice-secrétaire pour éviter le petit fonctionnement entre amis habituel de la Fédé. »


Notant que s’il y avait eu des irrégularités le préfet, Etienne Guyot présent durant la session, serait intervenu, Jean-Samuel Eynard revendique une présidence légitime et balaie les accusations de système mafieux proférées par la CR33. Quant aux menaces de chambre ingérable, le vigneron pointe qu’« une session chambre n’est pas une salle de spectacle où l’on vient tous les trois mois pour faire une scène ». Soulignant l’ampleur de la crise actuelle, notamment dans le vignoble où arrachage et procédures collectives se banalisent, le nouveau président de la CA33 appelle au calme et à l’union face aux attentes du monde paysan : « en premier lieu le revenu, tout le reste en découlera (transmission et installation). Il faut travailler le revenu de l’agriculture. »
La prochaine session de la CA3 est prévue le 21 mars prochain pour l’installation des commissions. La nouvelle présidence annonçant une poursuite des travaux syndicaux, avec un mandat forcément différent de celui du président sortant, le céréalier Jean-Louis Dubourg, la crise viticole s’étant aggravée.
« Il y a eu des accords, ça nous dépasse » estime Nelly Butttignol, pour qui les arrangements sont « honteux ».
« C’est une mafia, je dirais même qu’il y a corruption » s’agace Jean-Paul Eyres, qui « trouve scandaleux ce qui se passe ».
« Ce n’est pas moi qui ai rédigé le code électoral » balaie Jean-Samuel Eynard, confirmant avoir « discuté avec tout le monde. On savait tous où l’on allait : on sait tous compter. »
* : Avec des fourgons devant la chambre (cours Xavier Arnozan) et des barrières au niveau de la cité mondiale (sur les quais).
Jean-Samuel Eynard, président (collège des chefs d’exploitation, président de la FDSEA 33 depuis 2019).
Magali Vérité, première vice-présidente (collège des chefs d’exploitation).
Cédric Pointet, deuxième vice-président (collège des chefs d’exploitation, président des JA 33 depuis 2024).
Corinne Lantheaume, troisième vice-présidente (collège des salariés de la production).
Gilles Joachim, quatrième vice-président (CRPF, Centre régional de la Propriété Forestière de Nouvelle-Aquitaine).
Jérôme Fréville, secrétaire (collège des organisations syndicales).
Roland Grenouilleau, premier secrétaire adjoint (collège des CUMA, Coopérative d'utilisation des matériels agricoles).
Grégoire Leroux, deuxième secrétaire adjoint (collège des coopératives et SICA).
Cédric Labarrière, troisième secrétaire adjoint (collège des chefs d’exploitation).