uivant l’avis de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) d'avril 2023 concluant à un certain nombre d’effets néfastes du bisphénol A (BPA), notamment sur le système immunitaire, et fixant l'apport quotidien tolérable à 0,2 nanogramme par kilogramme de poids corporel par jour, une valeur 20 000 fois plus basse que celle calculée en 2015, la Commission européenne a publié le 19 décembre un nouveau règlement (UE) 2024/3190 interdisant complètement l’utilisation de ce plastifiant dans la fabrication des contenants entrant en contact avec les denrées alimentaires.
Le règlement cible le BPA mais également ses sels, ainsi que d’autres bisphénols dangereux et leurs dérivés. « On ne sait pas encore précisément quelles molécules sont incriminées mais il est clair que l’étau se resserre autour de cette famille. L’idée est d’éviter que les industriels remplacent le BPA par un autre bisphénol tout aussi dangereux », commente Sébastien Thomas, chef de projet chimie et matériaux pour les laboratoires Excell.
La Commission préserve l’industrie du matériel de cave en maintenant des dérogations pour la fabrication de résines plastiques en polysulfone utilisées dans les machines de microfiltration ou d’osmose inverse, et pour la fabrication de résines en époxy utilisées pour le revêtement des citernes et cuves de vinification en béton ou en acier*. « Le BPA est toujours autorisé dans les résines des contenants de plus de 10 hl et les grandes tuyauteries, mais sa limite de migration spécifique de 0,05 mg de BPA par kg de denrées alimentaires ou litre de vin jusqu’alors définie par le règlement (UE) 2018/213 est abaissée à 1 µg, précise Sébastien Thomas.
Aux fabricants de continuer à réaliser des tests pour vérifier l’absence de migration des résines vers les denrées alimentaires et aux vignerons de bien penser à demander un certificat de conformité quand ils achètent du matériel, notamment lorsqu’ils font affaire avec des sous-traitants », résume-t-il.
Sébastien Thomas pense aussi aux vignerons qui commercialisent du vin en canette. « La Commission précisant que les objets finaux à usage unique entrant en contact avec des denrées alimentaires fabriqués à l’aide de BPA […] qui ne sont pas conformes aux règles du présent règlement, peuvent être mis sur le marché jusqu’au 20 juillet 2026, ils ont tout intérêt à passer dès maintenant sur des solutions « garanties sans BPA ». En théorie cela devrait déjà être le cas puisque la loi française interdit depuis 2015 le BPA dans tous les conditionnements alimentaires.
* : La Commission considère que le remplacement en temps utile des vernis et revêtements contenant de l’époxy à base de BPA « serait problématique car il entraînerait probablement la suppression et la destruction de ces grandes citernes et cuves fixes et occasionnerait ainsi des coûts disproportionnés ». Elle estime que la présence de BPA résiduel peut être évitée ou réduite à des quantités négligeables en suivant les bonnes pratiques de fabrication et en procédant à un rinçage et à un nettoyage avant la première utilisation afin d’éliminer tout BPA résiduel qui subsiste. Elle ajoute que « ces vernis et revêtements étant appliqués sur de grandes citernes et cuves, les rapports surface/volume sont faibles eu égard à la quantité de denrées alimentaires en contact avec le matériau, en particulier si les récipients ont une capacité supérieure à 1 000 litres », et que « la migration réelle ne devrait pas entraîner un niveau d’exposition au BPA représentant un risque pour les consommateurs ».
« Le bisphénol A et ses dérivés peuvent se retrouver dans la plupart des matières plastiques présentes tout au long de la chaîne d’élaboration du vin, prévient Pierre-Louis Teissèdre, professeur à l’Université de Bordeaux et vice-président de l'Union des œnologues de France. Des relargages peuvent avoir lieu lorsque le vin est stocké dans des cuves en résine époxydique et en polyester renforcées de fibre de verre, mais il faut également vérifier les carreaux de verre, les joints, les tuyaux en PVC, les manchons et le matériel de mise en bouteille ! »
En cas de doute, il conseille de remplacer le vieux matériel par du nouveau garanti « sans phtalates », de demander au fournisseur un certificat de déclaration de conformité à la réglementation, ainsi que les résultats des tests de migrations spécifiques au vin ou aux eaux-de-vie, de respecter les bonnes pratiques d’entretien et d’utilisation formulées par le fabricant, notamment vis-à-vis des concentrations des solutions de nettoyage, de changer régulièrement les tuyaux, dans lesquels l’altération ne se perçoit pas, et d'éviter d’exposer les équipements à des températures élevées.