n 2024, à la faveur d’une pluviométrie hors norme, les adventices ont prospéré. « C’était une saison particulièrement dure. Dans les situations les plus graves, on a mesuré jusqu’à 40 % de pertes de récolte due à la très forte concurrence des adventices », regrette Richard Marchand, coordinateur technique Étamines, le réseau national d’expérimentation du groupement d’achat Actura qui fédère 139 coops et négoces d’agrofournitures. Les espèces problématiques ? « Le ray-grass et l’érigéron en premier lieu, puis le géranium et le chiendent. »
Que faire si la situation venait à se reproduire ? Concernant le travail du sol, l’anticipation est la clé. Ainsi, Tristan Roze des Ordons, conseiller chez Phloème en Gironde, a préconisé « un petit chaussage après les vendanges 2024, surtout dans les parcelles avec du ray-grass ou de l’érigéron. Sauf accident, ceux qui l’ont fait pourront partir sur un travail superficiel en sortie d’hiver car ils auront peu d’herbes à cette période ».
En revanche, des herbes hautes à l’approche du printemps imposeront un travail plus conséquent. « Dans les vignes où le chaussage n’a pas réussi, il faudra prévoir un gros décavaillonnage, poursuit le conseiller. Dans les vignes non chaussées, ce sera une tonte suivie d’un chaussage très important. »
Pour sa part, Benoît Bazerolle, conseiller chez Apex en Bourgogne, estime que « s’il n’y a pas eu de travail sous le rang en automne, il faut s’en occuper si possible dès ce mois de février afin d’arriver au printemps avec un cavaillon propre. Si l’on a affaire à des adventices rasantes, comme les géraniums, on peut pratiquer un microbuttage. Mais dans les vignes présentant des touffes de graminées bien ancrées, il faudra d’abord passer à la pioche ou avec une tondeuse. Ce microbuttage doit apporter 4 ou 5 cm maximum de terre sur les rangs, avec des disques concaves, lisses, crénelés, fixes ou interceps ».
Pour cet expert, « dans les vignes étroites, il faut éviter de sortir les gros socs de buttage car c’est dangereux pour les ceps. On peut obtenir un travail de qualité avec des outils modernes et superficiels ». Ce travail préparatoire permettra de faire « un travail fin au printemps qui ne mutilera pas les pieds ». Et si jamais la pluviométrie empêchait à nouveau de travailler le sol en saison, « les tondeuses interrangs et interceps pourront être d’un grand secours », rappelle Benoît Bazerolle.
Conseiller chez Viti-Concept en Champagne, Vincent Faihy recommande aussi à ceux qui n’ont pas fait de passage en automne de « sauter sur leur tracteur dès cet hiver ». En particulier s’ils ont du ray-grass. Dans ce cas, il conseille un passage avec un outil lourd dans l’interrang – un covercrop sur 10 cm de profondeur – et un microbuttage sous le rang pour préserver les ceps. « Faire cela au printemps est dangereux pour le système racinaire qui se renouvelle entre 3 et 5 feuilles étalées », ajoute-t-il.
Pour ceux qui incluent des herbicides dans leur itinéraire et qui subissent une forte pression d’adventices, la logique reste la même. « Nos essais plaident pour un travail du sol à l’automne car l’efficacité des herbicides autorisés à cette période est insuffisante, confie Richard Marchand. Comme en 100 % mécanique, il faut absolument aborder le printemps avec des parcelles propres. » Ayant coordonné des essais de 2018 à 2023 au sein du réseau Étamines, il a observé qu’une combinaison ressortait plus que les autres : « Un travail du sol en automne, un second en prédébourrement, suivi d’une application d’antigerminatif au printemps que l’on choisit selon la flore des parcelles. »
En Gironde, Tristan Roze des Ordons recommande « un travail du sol ou au moins une tonte le plus tôt possible afin d’arriver sans érigéron ni ray-grass en sortie d’hiver ». On peut dès lors « passer un prélevée selon la flore de la parcelle, le plus souvent associé à du glyphosate. Cela permet de gérer la fin de saison avec des outils superficiels et rapides ». Mais le conseiller avertit : « Les herbicides sont des ressources tellement rares qu’il faut les utiliser avec pertinence. »
Philagro, firme distributrice de Pledge (voir encadré), a travaillé le positionnement de cet antigerminatif très utilisé dans les vignes. « Nos résultats indiquent qu’une application très précoce accroît son efficacité, dévoile Wilfried Rouane, responsable technique herbicides. Sur le ray-grass, on obtient 88 % d’efficacité avec Pledge à 1,2 kg/ha et du glyphosate à 450 g/ha appliqués entre fin janvier et mi-février contre 70 % d’efficacité lorsque ce mélange est appliqué entre fin février et fin mars. Cette même association, mise le 14 février, est efficace à 90 % sur l’érigéron de l’année et à 77 % sur l’érigéron de l’automne. Le 25 mars, nous tombons à 87 % sur l’érigéron de l’année et à 57 % sur l’érigéron de l’automne. »
En Champagne, Vincent Faihy note « un retour aux herbicides à cause des difficultés d’intervention, en particulier le glyphosate. Mais sur du ray-grass installé, 450 g/ha de glyphosate, ça ne marche pas. Mieux vaut utiliser un antigraminée spécifique, comme Stratos, de manière localisée pour éviter les soucis d’IFT ».
Contre le ray-grass en prélevée, Alain Pescay, responsable marché chez Corteva, recommande « d’utiliser Kerb à l’automne ou un pack Boa/Cent-7 du prédébourrement à la sortie de l’hiver. Deux spécialités dont les ventes sont en progression cette année ».
Autre solution très prisée en prélevée : le flazasulfuron (Katana), dont les ventes sont « globalement stables, assure Cédra Graeff, responsable marketing chez Certis Belchim. Cette molécule est efficace et bénéficie d’une bonne persistance quelles que soient les conditions climatiques. On peut l’employer dès février-mars le plus souvent en association avec du glyphosate. Autre programme qui peut être envisagé : l’appliquer quelques semaines après un glyphosate afin de profiter de sa persistance presque jusqu’aux vendanges ».
Début décembre, l’Anses a refusé de renouveler l’autorisation de mise sur le marché (AMM) de l’herbicide Pledge/Rami de Philagro. Les distributeurs ont jusqu’au 6 juin 2025 pour écouler les stocks de ce produit et les vignerons jusqu’au 6 juin 2026 pour l’utiliser. Une décision que Philagro conteste devant les tribunaux et qui irrite la distribution. « C’est regrettable quand on sait que ce produit dispose d’un bon classement, réagit Jacques Oustric, responsable technique vigne chez Charrière. Économiquement, cela va mettre en danger de nombreux producteurs. »