éunion houleuse pour l’AOC Bordeaux ce jeudi 23 janvier à la salle des fêtes de Saint-Brice (Gironde) à l’occasion d’une rencontre de l’Organisme de Défense et de Gestion (ODG). Expédié en quelques instants, à main levée, le vote pour répartir les 21 postes de délégués du canton de Sauveterre-de-Guyenne a fait monter le ton sur le moment et continue depuis d’animer les discussions dans le vignoble bordelais. En cause, le désistement de deux personnes devenant stagiaires au conseil d’administration du syndicat et permettant au nombre de candidatures de passer de 23 à 21, pile le nombre de délégués à élire.
Une marche arrière permettant de ne faire de l’élection des 21 délégués qu’une simple formalité, ce qui a fait tousser alors que parmi les candidats à renouveler se trouve un poids-lourd de la filière : Bernard Farges, le vice-président du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB), président du comité régional de l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO), président du Comité National des Interprofessions des Vins (CNIV), vice-président de l’Institut français de la vigne et du vin (IFV), président du salon Vinitech (Bordeaux Event And More)… Contacté, Bernard Farges indique à Vitisphere qu’« il y a eu vote pour Sauveterre, il n’y a rien à dire de plus que ce qui a été dit en réunion. Je laisse libre ceux qui veulent s’exprimer. La liste des élus de notre canton permet de représenter la pluralité des points de vue comme nous l’avons toujours fait. »
Le précédent Guthmuller
« On a réélu notre grand seigneur à main levé et à l’unanimité » grince un viticulteur présent, estimant qu’il y a eu la volonté manifeste d’éviter tout risque. Le cas de Denis Guthmuller en 2023 ayant marqué les esprits : le président du Syndicat Général des Vignerons des Côtes-du-Rhône avait fait l’objet d’un vote de défiance dans son canton, l'empêchant d'envisager une candidature aux prochaines élections syndicales. « Tout est tout le temps arrangé pour que les gens soient indéboulonnables à leurs postes. Il y a suffisamment de moyens de pression pour y arriver, comme on l’a vu en direct [à Saint-Brice]. Il n ‘y a pas de votes à bulletin secret » estime Dominique Techer, le porte-parole de la Confédération Paysanne de Gironde qui participait à la réunion.
« Une élection, c’est un vote de personnes élisant un représentant. Là ce n’est pas un vote démocratique, c’est une nomination » indique Didier Cousiney, le porte-parole du collectif Viti 33 et délégué de l’ODG sur le canton de Saint-Macaire. Appelant les responsables du syndicat au changement lors de la rencontre de Saint-Brice, le maire de Pian-sur-Garonne estime que « votre présence rime avec omnipotence. Ça ne change pas : la filière se meurt. Il va falloir qu’un tiers crève pour que le reste puisse vivre. » Reconnaissant quelques polémiques lors de la réunion de Saint-Brice, Stéphane Gabard, le président de l’ODG pointe que les « quelques commentaires émus ne proviennent pas de la zone de Sauveterre, mais de gens d’autres cantons ».


Assumant d’avoir validé la proposition de faire passer stagiaires deux candidats, Stéphane Gabard l’affirme : « il n’y a pas de déni de démocratie : on n’a évincé personne. Tout le monde a été élu et peut s’exprimer. Certains auraient voulu jouer du crayon pour faire du dégagisme alors que nous manquons de candidats et que l’on a besoin que les viticulteurs s’impliquent dans cette crise. » Le vigneron de Galgon en veut pour preuve l’absence de quorum lors de la dernière assemblée générale de l’ODG, nécessitant une assemblée générale extraordinaire pour y remédier.
« On n’est pas habitués à la démocratie » plaisante Renaud Jean, membre du collectif Viti 33, pour qui ces défections font « partie du jeu de la démocratie, qui s’organise. Il ne faut pas s’offusquer. Cela a été dit publiquement, Bernard Farges a fait ce qu’il fallait pour qu’il y ait le nombre de candidats en demandant à ses soutiens de ne pas se présenter. Il a préféré perdre pour gagner et se sauver, c’est aussi ça la démocratie. [Mais] cela aurait été une erreur stratégique de le faire tomber. Le syndicat de Bordeaux perdrait de l’aura localement dans la Fédération des Grands Vins de Bordeaux (FGVB) et nationalement au CNIV. »
Pas de commentaire
« Tout le monde croit qu’il s’agit d’une manœuvre pour sauver Bernard Farges » déplore Stéphane Gabard, qui assume une solution « qui n’a pas été menée en sous-main » et permettant de donner un rôle actif aux 23 candidats. Le président d’ODG reste persuadé personnellement que Bernard Farges « ne risquait strictement rien » lors de cette élection à domicile. Dans le canton de Sauveterre, on préfère ne pas commenter le sujet et laver son linge sale en famille. On y entend que la tradition est de présenter le même nombre de candidats que de postes disponibles. « Ce sont des arrangements entre amis. La place est bonne, certains ont plus à perdre qu’à gagner. Ce qui les anime, c’est le pouvoir » grince ainsi un membre de l’ODG. « Ceux qui disent que la place est bonne se trompent, on a un manque de candidats pour de nombreux postes. L’ancienne garde veut arrêter, on ne trouve pas de remplaçants » réplique Stéphane Gabard.