laude Avril, maire de Châteauneuf-du-Pape (84), ne décolère pas contre le Dry January. « J’en ai marre de ça ! », s’est-il emporté au micro de Ici, c’est France Bleu Vaucluse le 7 janvier. À la tête de cette commune viticole réputée, il juge l’initiative « insultante et infantilisante. Ça sous-entend que les gens boivent toute la journée sans être capables d’esprit de modération. C’est un premier pas vers l’interdiction de l’alcool, c’est insupportable ».
Pourtant, ce mois sans alcool séduit de plus en plus nos compatriotes si l’on en croit les sondages (voir encadré). Alors quel impact sur les ventes de vin ? « Janvier, c’est toujours la misère !, déclare Florence Prud’homme, propriétaire du Château Saincrit, 15 ha à Saint-André-de-Cubzac (33) en AOC Bordeaux et Bordeaux supérieur. Cette vigneronne, qui produit 60 000 bouteilles par an, en vend 20 000 aux particuliers, dont 20 % dans sa boutique. « Je n’ai vendu que 220 bouteilles au cours des quinze premiers jours de janvier, enchaîne-t-elle. C’est 16 % de moins que l’an passé à la même période. Je ne crois pas que ce soit lié au Dry January. Ça tient davantage à la conjoncture difficile. Pour nos clients restaurateurs, la période est également calme. »
Au Cellier des Princes à Châteauneuf-du-Pape (84), Véronique Baudin, la responsable du caveau qui représente 20 % du chiffre d’affaires de cette coopérative, dresse un constat identique : « Janvier fait partie des petits mois, explique-t-elle. Malgré tout, nous continuons de voir nos habitués. Ils viennent pour acheter de la clairette de Die ou d’autres bulles pour accompagner la galette des rois. Certains retraités, qui ont passé les fêtes de fin d’année ici, sont venus faire des achats avant de repartir dans le Nord. »
Les clients qui évoquent le Dry January avec elle en plaisantent ou lui disent qu’ils sont contre. « Ce n’est pas dans leur culture, précise Véronique Baudin. Toutefois, j’ai l’impression que les jeunes y sont plus sensibles. Ils ont davantage envie de tenter l’expérience après les excès de fin d’année. »
« Le Dry January ? On en parle partout dans les médias ! », s’agace Bérengère Mogé-Perras, propriétaire du Domaine des Pampres d’Or, 11,5 ha en appellation Beaujolais à Saint-Germain-Nuelles (69). Ce domaine, certifié bio depuis 2015, produit 45 000 bouteilles par an, dont il vend la moitié en direct aux particuliers. « Les gens arrêtent l’alcool et le remplacent par des sodas ou des jus de fruits bourrés de sucre. C’est absurde ! », s’exclame cette vigneronne. Pourtant, elle ne constate aucune baisse des commandes en ce début d’année. « L’atelier de visite et dégustation que j’ai organisé le 10 janvier était complet », souligne-t-elle. Lors de ces rencontres, elle sensibilise les participants au travail derrière chaque bouteille. « J’explique nos pratiques et surtout qu’il vaut mieux boire moins, mais mieux, plutôt que de se laisser influencer par l’agro-industrie », insiste-t-elle. Un exemple à suivre.
Le Dry January séduit de plus en plus de Français. Selon un sondage Ifop pour Freixenet Gratien, un quart d’entre eux se disaient prêts à relever ce défi en début d’année, soit près de 17 millions de personnes alors qu’en janvier 2020, première année où ce phénomène a vu le jour en France, 6,8 millions de Français l’avaient suivi. Selon une autre étude conduite par Charvin, spécialiste du vin sans alcool, les participants veulent perdre du poids et compenser les excès des fêtes de fin d’année. Et les jeunes générations sont les plus motivées : 37 % des 25-34 ans ont annoncé rallier le mouvement.