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"Le redressement, l'ultime chance de rebondir" 2 vitis racontent comment ils traversent cette épreuve
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Face aux difficultés économiques
"Le redressement, l'ultime chance de rebondir" 2 vitis racontent comment ils traversent cette épreuve

Une viticultrice et un viticulteur girondins expliquent la réalité d’un redressement judiciaire et comment ils traversent une telle épreuve qui leur accorde du temps pour trouver une solution à leurs difficultés.
Par Colette Goinère Le 16 janvier 2025
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«Trop de gens pensent que redressement signifie liquidation, souligne Amandine Noriega à la tête des Vignobles éponymes dans l'Entre-deux-Mers. Or le redressement constitue une chance, même si c’est la dernière, de rebondir, de trouver des leviers de développement. Pendant la période d’observation, le tribunal n’impose qu’une chose : ne pas créer de nouvelles dettes - crédit photo : Laurent Wangermez
C

’était à la mi-septembre 2024 : ce soir-là elle a lâché. Le Samu emmène Amandine Noriega à l’hôpital. La viticultrice à la tête des vignobles éponymes, à Porte de Benauge, dans l’Entre-Deux-Mers, restera en soin tout le week-end. Rentrée chez elle, un huissier mandaté par la MSA débarque, puis elle reçoit un courrier de l’avocat de son ex-mari qui lui réclame 100 000€ de prestation compensatoire au motif qu’elle habite la propriété familiale. Cette fois, elle rend les armes et accepte le redressement judiciaire. Le passif de son exploitation se monte à 900 000 €.

"J'ai mis mes fournisseurs en difficulté, c'est le plus difficile"

« Mon comptable m’avait dit qu’il fallait aller en redressement. Cela signifiait pour moi, échec et liquidation à court terme. Si je n’avais pas été hospitalisée, je n’aurais pas accepté. En le faisant, mes dettes ont été gelées. J’ai mis mes fournisseurs en difficulté. Et ça, c’est le plus difficile », indique-t-elle.

Son comptable et un avocat montent le dossier de redressement et saisissent le tribunal judiciaire de Bordeaux. Dans le cabinet du juge, en un quart d’heure chrono, Amandine Noriega explique sa situation : en 2021, le gel lui a fait perdre 95% de sa récolte puis 80 % en 2022. En 2023, le mildiou emporte 80% de la récolte. De surcroit cette année-là, elle perd le seul contrat qu’elle avait avec un négociant qui écoulait 70% de sa production.

"Pas de salaire depuis 2023"

Le juge a face à lui une femme qui a de l’énergie à revendre qui ne se verse pas de salaire depuis fin 2023 et pour qui les vacances sont un lointain souvenir. Mais une femme fatiguée. Depuis deux ans, Amandine fait de la prestation agricole pour faire rentrer de l’argent. Elle accumule des journées de 15 heures de travail. A 43 ans, elle élève seule ses deux enfants de 11 et 9 ans. Sa maison et ses vignes sont hypothéquées. « Si j’arrête, je perds tout », dit-elle.

Le 1er septembre 2024, le tribunal prononce le redressement judiciaire assorti d’une période d’observation de six mois, renouvelable deux fois si nécessaire. Les dettes sont gelées. «Trop de gens pensent que redressement signifie liquidation, souligne Amandine Noriega. Or le redressement constitue une chance, même si c’est la dernière, de rebondir, de trouver des leviers de développement. Pendant la période d’observation, le tribunal n’impose qu’une chose : ne pas créer de nouvelles dettes. Il ne m’a pas imposé de céder des actifs, ni d’échéancier de remboursement de mes dettes qui sont gelées jusqu’à la fin de la période d’observation quand je devrai présenter un plan de remboursement ».

Pour rebondir, elle réduit très sévèrement la voilure. Pour la récolte 2024, elle passe de 60 à 14 ha en fermage et de 32 à 27 ha en propre en arrachant 5 ha. Elle se démène pour développer la vente en bouteille qui représentait 40 000 cols en l’an dernier et viser 50% du CA par ce biais. A quelle échéance ? « Le plus vite possible », espère-t-elle. Pour y arriver, elle table sur l’œnotourisme : 400 personnes par an viennent à la propriété. « Je reste optimiste et active. Je ne compte pas mes heures », confie-t-elle. Fin février elle se retrouvera devant le juge pour faire un point d’étape.

Tout s'arrête en 2022

A Plassac, Christian Gourgourio, 53 ans, l’avoue : il est suivi par un psychiatre depuis deux ans. Histoire de réparer le traumatisme causé par la mise en sauvegarde puis en redressement de son exploitation. Christian Gourgourio avait pourtant toutes les cartes en main. En 2015, alors qu’il est conseiller viticole indépendant depuis deux ans, il prend 5 ha en fermage en AOC Côtes de Bourg. Deux ans plus tard, il emprunte 450 000 € pour acquérir Château La Métairie de Monconseil, 5 ha de plus en AOC Blaye. « Jusqu’en 2021, je vendais 400 hl en vrac dans l’année et j’écoulais 6000 bouteilles auprès de cavistes et de particuliers". Sauf qu’en 2022, tout s’arrête : le négoce n’achète plus. Les ventes de bouteilles chutent à 5000 cols. Les dettes s’envolent. Sa comptable préconise une procédure de sauvegarde. Un peu perdu, début 2023, il appelle la chambre d’agriculture qui l’aiguille vers l’association Solidarité Paysans qui lui dépêche Paul Gaudin qui l’aide à remplir le formulaire de cessation de paiement avec demande de sauvegarde.

"ça fait chaud au coeur de se sentir épaulé"

En mars 2023, Paul Gaudin l’accompagne devant le juge du tribunal judiciaire de Libourne. « Psychologiquement ça fait chaud au cœur de se sentir épaulé » indique Christian Gourgourio. Devant le juge, il explique l’arrêt total du vrac en 2022, les dettes qui s’accumulent. Tout en mettant en avant son activité de conseil qui apporte 25 000 € par an, son souhait de développer la bouteille et sa diversification dans les chênes truffiers qui seront en production en 2027.

Quinze jours plus tard, le juge accepte la procédure de sauvegarde et nomme un mandataire. Le viticulteur lui transmet la liste des créanciers, bilans, acte d’achat de la propriété, état des stocks, du matériel. Le mandataire envoie un courrier aux créanciers pour avoir confirmation du montant des dettes.

Apres deux fois six mois d’observation, Christian Gourgourio est placé en redressement judiciaire en avril 2024, ce qui lui permet de bénéficier de six mois supplémentaires de répit. « J’étais en négociation pour des marchés à l’export. J’avais besoin de ce temps avant de présenter un plan de redressement », explique-t-il. En octobre 2024, aidé par Paul Gaudin, il présente son plan avec un étalement du remboursement de ses dettes sur quinze ans et ses pistes de développement (export, trufficulture, activité de conseil) que le tribunal accepte.

En 2024, il a réalisé un CA de 60 000 €. Pour l’instant, ça passe car fin 2025 il n’aura que 1% de sa dette à rembourser et ce pendant trois ans. Puis ce taux montera en puissance. Il lui faudrait alors un CA de 135 000 € par an pour tenir son plan. « Ma trésorerie est tendue, mais je garde espoir », lâche-t-il. Reste ce sentiment de culpabilité. « Je ne suis pas à l’aise à l’idée de retourner chez les fournisseurs à qui j’ai laissé des ardoises et que je ne pourrai rembourser que dans le temps. Je vais ailleurs ». Un sentiment difficile à évacuer.

Trois conseils

Les recommandations de Paul Gaudin, accompagnant au sein de Solidarité Paysans. 1. Avant d'aller vers une procédure collective, tournez-vous vers la MSA pour leur demander un règlement amiable qui est un mini plan d’apurement qui se fait sur 3 ou 4 ans. Il n’y a pas de publicité. C’est un accord entre les deux parties qui vous donne du temps. 2. Regardez les procédures collectives comme un outil de gestion. Cela permet de poursuivre votre activité, puisqu’il y a gel des dettes, et de souffler psychologiquement et économiquement. 3. N’attendez pas d’être à court de trésorerie pour demander l’ouverture d’une procédure collective (sauvegarde ou redressement) car cela coûte de l’argent : autour de 3000 € de frais d’ouverture, 1000 à 1500 € de frais d’inventaire d’actifs pratiqué par le commissaire-priseur et éventuellement frais d’avocat.

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Tous les commentaires (3)
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augustin Le 17 janvier 2025 à 23:14:02
Au risque de répéter les informations , la majorité d entre nous est assise sur une poudrière: sommes en majorité en scea une scea est une sc en cas de lj et jusqu en 2020 personne ne pouvait interpeller les ex associés tant que la vente des actifs n était pas finie et le cas échéant le passif à combler chiffré Une jurisprudence à établi à cette même date que la simple déclaration de créance valait vaine poursuite et permet dorénavant donc aux créanciers les plus avisés... de recouvrir leur créance directement auprès desdits associés !!! Aussi bien sur leur patrimoine que sur leur revenu , tout comme une caution . Et la ça fait très très mal car juridiquement on peut se faire tondre jusqu au rsa mensuel . La députée du medoc Mme Got s en est émue et a pose la question au garde des sceaux , tout en projetant une loi corrective . Mais combien de vitis vont passer à la trappe d ici là, c est la question, à Bordeaux ou ailleurs ...Sans compter que c est un pousse au crime car certains créanciers peu éthiques pourraient avoir tendance à supprimer leur concours , pousser le rj en lj et se payer sur les associés à coup sûr plutôt que de tenter de ce faire sur le produit très hypothétique aujourd hui de la vente de vin ou du foncier. Donc lorsque convié à déjeuner par ce type de créancier, toujours demander si c est à titre d invite ou bien de contenu d assiette. Même question pour les parties de Ball trap :*)
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Olivier Metzinger Le 17 janvier 2025 à 10:30:23
C'est grosso modo un tabou dont personne ne parle. Ce qu'il faut savoir, c'est que le coût humain et financier est très important. Or il n'y a aucune prévision faisable, les factures diverses et variées lié à la procédure tombent et plombent le moral et la trésorerie déjà exsangue. Au moment ou il faudrait serrer les dépenses, c'est un peu l'inverse qui arrive (sans devis préalable, sans informations). Autre aspect, l'age du capitaine, avec 50% de vignerons à moins de 5 ans de la retraite, quid d'un plan sur 10 ans? Aujourd'hui qui est capable de faire et de respecter un planning de vente à des prix rémunérateurs? En ce moment cela relève d'une loterie sans billet gagnant, ça repousse l'échéance en espérant des jours meilleurs, mais tant que rien ne permet d'encadrer des prix par rapport aux exigences légales et des cahiers des charges, je ne vois pas ce qui pourrait redonner confiance aux intermédiaires. Si plus rien ne vaut rien, le système va sombrer.
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bill et boule Le 17 janvier 2025 à 01:59:43
Témoignage salutaire .Et je dirais même plus : non seulement le rj n est pas la mort mais la lj peut ne pas l être non plus . Le niveau de stress monte d un cran, les revenus persos baissent d un coup et l equilibre dont se trouver rapidement avec le commissaire priseur , le mandataire liquidateur et le juge commissaire. L objectif devient une vente des actifs plutôt de gré à gré que aux enchères.Et un second front s ouvre , celui des créanciers qui s attaquent aux associés es caution ou es mis en cause pour vaines poursuites. C est la face sombre de la lj et il faut une constitution robuste pour y faire face avec succès .... et une bonne equipe d avocats spécialisés pour sauver ce qui peut l être. Âmes sensibles s abstenir :^) Ce stade ultime reste très peu documenté, encore moins médiatisé mais il va concerner progressivement de plus en plus de vitis à partir de 2025 .Et il importe là encore de se comporter avec courage et détermination., souvent dans une forme de solitude , car c est une situation difficile à partager en couple en famille ou avec les amis . Ne pas somatiser , garder son sang froid et continuer à se faire plaisir de peu, alors meme que la vie d avant disparaît irrémédiablement. Il serait "vin " de le nier mais ,ce faisant, on apprends beaucoup sur soi et sur les autres Et c est sans doute une ultime validation de l adage ancien " in vino, véritas" ...
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