e 18 juillet, le tribunal judiciaire de Libourne place Univitis en redressement : le poids de la dette était finalement devenu trop fort par rapport au manque de commercialisation et de valorisation des stocks ?
Mickaël Cousinet : Il y a le poids de la dette et les intérêts en particulier sur le court terme. Ça pèse énormément. Il y a aussi des évènements qui tombent mal : on nous demande en 2024 remboursement de subventions de 2008, il y a 16 ans…
La crise économique semble s’accélérer dans le vignoble, qu’est-ce qui vous a fait basculer en cessation de paiement ?
Les éléments que je viens d’indiquer et un cours des Bordeaux trop bas. Même si l’on a fait de la distillation de crise, on sait que lorsque l’on signe on a 40 à 45 € de perte à l’hectolitre. On a fait de la trésorerie et de la place, mais on a aussi fait de la perte. La situation reste positive pourtant, notre chiffre d’affaires est en croissance (+ 9 %), on continue à tourner et à prendre des marchés. Le problème de fonds, ce sont les cours. J’attends de tout cœur une nouvelle loi Egalim qui rétablisse le marché.
Avec des activités à perte, quel est le niveau d’endettement d’Univitis ?
Laissons les choses se mettre en place, nous communiquerons plus tard.
En redressement, les caves coopératives n’ont pas qu’à gérer l’administrateur, les clients et les fournisseurs : il faut aussi sécuriser les adhérents. Comment éviter la crise de confiance de vos 130 viticulteurs pendant la période d’observation ?
C’est tout l’enjeu, on va tout faire pour les sécuriser. Le but étant bien sûr de se restructurer également.
Sur radio piquet de vigne, on parle d’acomptes tombés à 2 €/hl pour Univitis…
Ça dépend du nombre d’acomptes et de ce que l’on regarde. A l’heure actuelle, il y a la partie acompte et les chartes au vignoble (comme la date de récolte). Comme nos copains [de la coopération], on est dans la moyenne, à 3 200 € ha pour Bordeaux rouge.
L’arrachage ampute-t-il déjà votre potentiel de production ? Comment va évoluer votre diviseur de charge ?
Dès cette récolte, nous basculons sur un site unique sur les Lèves. C’est une mesure corrective. Le site de Villefranche est loué, celui de Flaujagues aussi (pour du stockage). On attend une réponse pour exploiter le site de Gensac sous une autre forme. Dans l’Entre-deux-Mers, il n’y a pas qu’autour d’Univitis qu’il y a de l’arrachage. Et je vois aussi des vignes à l’abandon qui posent de sérieux problèmes. La dégradation est globale sur le vignoble bordelais : entre la grêle, les vignes abandonnées, les vignes faites à moitié où l’herbe foisonne, l’arrachage… On voit le potentiel de production s’effondrer.
La rumeur dit aussi que le château les Vergnes, tout juste déconverti de la bio, serait déjà à la vente auprès de la SAFER pour plus de 2 millions d’euros…
C’est le cas. Il y aurait une offre d’achat.
Ce serait une bonne nouvelle pour les comptes de la trésorerie.
Ce serait une bonne nouvelle pour l’acheteur aussi ! Il aurait une super propriété d’une centaine d’hectares. Nous avons la chance d’avoir des actifs, nous ne sommes pas dans une union. Nous avons des propriétés, notre propre chaîne d’embouteillage…
Vous êtes également au sein de la FNSEA 33. Quelle tendance voyez-vous plus globalement se dessiner pour les vignerons bordelais de plus en plus fragilisés ? Quelles sont les priorités d’action pour sauver la filière ?
Avec la petite récolte qui se profile à Bordeaux, il va y avoir un rééquilibrage de l’offre et de la demande. Nous sommes à 13,6 mois de stock à Bordeaux, le point d’équilibre est à 12 mois. Nous ne sommes pas si loin, même si le marché des rouges est en train de décrocher. Avec la baisse de la production (mildiou, grêle, arrachage…), l’équilibre est en train de se mettre en place. Pour amorcer un retour à la rentabilité, une Organisation de Producteur qui gère régionalement la partie vin me semble indispensable. Pour qu’il y ait redistribution et plus de destruction de la valeur. Quand on analyse les ventes de Bordeaux, il y a seulement 8 % des vins qui sont vendus en dessous de 3 €. En partant de ce principe, on peut avoir 1 € de vin dans la bouteille, soit 1 200 € le tonneau pour faire vivre les producteurs.
Actuellement, il n’y a plus de marge de manœuvre à la production. À Univitis comme ailleurs, je vois des gens pour qui la récolte devient une question de survie face au mildiou. Il n’y a plus aucune marge de manœuvre. La production est en train de chuter tellement vite que je pense que le point d’équilibre n’est pas loin. Et à terme des tensions. Il faut que la filière se réorganise, pour ne pas refaire la même chose qu’avant, même si les cours repartent. Il y a beaucoup de choses qui se font à Bordeaux, il y a toujours une demande.