Frustrés » de ne pas pouvoir afficher sur leurs bouteilles l’origine bretonne de leurs « vins de France » (sans indication géographique), les adhérents de l'Association pour la Valorisation des Vins de Bretagne (AVVB) annoncent ce jeudi 19 décembre à Rennes (Ille-et-Villaine) avoir choisi la stratégie de l’IGP. Et ce plus rapidement qu’ils ne l’avaient imaginé à leurs débuts. Les néovignerons poursuivent deux objectifs : intégrer dans le futur cahier des charges la « diversité » qui les caractérise aujourd’hui, mais aussi et surtout leur engagement environnemental.
Côté diversité, d’abord, « je crois qu’il n’y a pas deux domaines avec le même encépagement », fait par exemple remarquer le président de l’AVVB, Romain Le Guillou, qui a planté de la vigne dans le Morbihan en avril 2024 (après une carrière de directeur de vignoble en Champagne). Le chardonnay est le cépage le plus planté dans la région, mais « aujourd’hui, on ne veut pas avec ce projet d’IGP enfermer les gens dans des règles », a expliqué Sylvie Corpart, vigneronne.


« Finalement, ce qui nous réunit, c’est d’abord notre engagement environnemental », fait valoir Loïc Fourure, co-président de l’Association des Vins Bretons (AVB). L’association porte depuis ses débuts l’engagement à ne pas utiliser de pesticides de synthèse. L’ambition de créer ce qui serait la première IGP Bio de France vient de là. « On est conscients des limites du modèle bio, et du risque à se lier à un cahier des charges qu’on ne maîtrise pas, mais l’idée est de ne pas réinventer la roue au moment des contrôles », a expliqué Romain Le Guillou. « Et la discussion reste ouverte, il reste beaucoup de choses à régler. »
Au-delà du bio, l’AVVB aimerait par exemple intégrer des « engagements sociétaux » dans le projet : « On va avoir besoin de main d’œuvre, et si on veut être attractifs, il va falloir être exigeants sur ce sujet », anticipent les vignerons.
Interrogés sur l’opportunité de créer une nouvelle filière viticole alors qu’à l’autre bout du pays, d’autres arrachent la vigne, les vignerons mettent en avant la modestie de leurs ambitions. « Les plantations de vignes en Bretagne ne peuvent pas rivaliser, ou compenser, la vigne perdue en Occitanie par exemple. En 2024, il y a eu 50 000 bouteilles produites », une goutte dans l’océan du vin français. Les domaines qui se créent couvrent en moyenne trois ou quatre hectares, 10 à 15 pour les quelques "gros", soit environ 150 hectares en tout aujourd’hui.
« Pour la région, c’est une chance », s’est en tout cas enthousiasmé le vice-président à l’Agriculture, Arnaud Lécuyer, qui accueillait le lancement du projet. Il y voit pour la Bretagne une « opportunité de diversification qui n’entre pas en concurrence avec l’agriculture déjà en place ».
Tous ont bien conscience d’être au début d’une longue aventure. « On sait que ça va prendre au moins cinq ans, on espère que ça sera moins de dix », glisse Romain Le Guillou. Première étape : prendre attache avec les services référents, à commencer par l’Institut National de l'Origine et de la Qualité (INAO)… qui n’a pas de bureau en Bretagne administrative.
Et le vin de Loire-Atlantique, dans tout ça ?
La question du vignoble nantais n’a pas été oubliée par l’AVVB. Pour rappel, un groupe de producteurs de Muscadet a en effet créé en février 2024 un Syndicat des Vignerons de Bretagne (SVB), pour porter le projet… d’une IGP Vins de Bretagne. Sans le bio, mais avec les cinq départements de la Bretagne "historique".
Deux IGP Bretagne étant inenvisageables, il leur faudra donc s’entendre. Alors, 4 ou 5 départements dans la future IGP Bretagne ? « On est ouverts à la discussion », a affirmé Romain Le Guillou. « Mais ça se joue sur notre territoire, donc on veut prendre le leadership sur ce sujet qui peut créer de l’émotion, pour pouvoir affirmer nos valeurs. Et en l’état, nous ne sommes pas légitimes pour dire que notre IGP va empiéter sur le 44, qui a déjà l’IGP Val de Loire. »


De son côté, le SVB explique dans un communiqué qu’« il est curieux que le SVB, initiateur du projet d’IGP Bretagne et composé notamment de vignerons du pays Nantais, le principal vignoble breton, ne soit pas associé ce jour ». Avant de rappeler qu’ils étaient les premiers sur le coup et de reconnaître que leurs interlocuteurs bretons « se sont montrés ouverts au dialogue ». « Nous resterons intransigeants sur le fait que l’aire géographique soit ouverte au territoire historique de la Bretagne dans son ensemble. » Rendez-vous est donné en 2025 pour poursuivre cette discussion qui s’annonce complexe.