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n casque de réalité virtuelle (VR) sur les yeux, un joystick dans la main gauche et une gâchette dans la main droite, Bruno Duron, le directeur de la Corporation des vignerons de Champagne, semble, vu de l’extérieur, en pleine partie d’un jeu vidéo. Mais lui a plutôt l’impression d’être au cœur d’une parcelle de vigne, prêt à dégainer son sécateur pour tailler son premier pied en chablis.
En octobre dernier, sur le salon VitiVini, à Épernay, dans la Marne, Bruno Duron a eu l’opportunité de tester une nouvelle méthode d’apprentissage de la taille grâce à la réalité virtuelle, développée par les start-up WiDiD et Mimbus. Et il a été bluffé par le réalisme du graphisme. « Grâce au casque, l’immersion à 360° est totale. C’est très impressionnant. On se croirait vraiment en train de tailler, le froid et la pluie en moins », plaisante-t-il.
Bruno Duron voit surtout en ce simulateur un levier supplémentaire pour convaincre la jeune génération de se former à la taille. « On est comme dans un jeu vidéo. L’apprentissage des règles de taille, du vocabulaire et du geste se font pas à pas, de façon ludique, sans contrainte météorologique, n’importe où, n’importe quand et sans risque de se couper un doigt dès le premier coup de sécateur. D’une main, la gâchette mime un sécateur virtuel pour tailler le pied de vigne, et de l’autre le joystick permet l’accès au menu déroulant du logiciel », précise-t-il.
Cela fait maintenant trois ans que les sociétés WiDiD et Mimbus développent leur application de réalité virtuelle en partenariat avec l’école d’ingénieurs de Purpan, dans le cadre du projet reviVRre. « Aujourd’hui, on est capable de proposer des modules de formation pour la taille en cordon de Royat, chablis, guyot simple, guyot double, gobelet, et prochainement guyot-poussard », énumère Aurore Thion, cofondatrice de WiDiD. Une diversité d’enseignement qui peut répondre aux besoins des établissements viticoles et des vignerons selon leurs régions mais aussi permettre aux futurs tailleurs d’apprendre une technique différente de celle qui se pratique chez eux sur le terrain.
« Avec nos simulateurs, les apprenants ont la possibilité de s’entraîner à l’infini sans jamais tailler deux fois le même pied. Ils peuvent se tromper autant de fois que nécessaire, sans compromettre la récolte de l’année, et si la taille n’est pas bonne, cela se voit quasiment en temps réel sur le flux de sève, la pousse de la vigne et le rendement. Pas besoin d’attendre la vendange », assure Aurore Thion. La société WiDiD espère commercialiser une première version de simulateurs d’ici mai 2025. En attendant, elle songe déjà à améliorer son outil en intégrant le liage aux modules de formation à la taille champenoise pour être fidèle au concours de taille.
À Angoulême, Studio Nyx commercialise depuis septembre 2024 sa solution Ampelos, similaire à celle de WiDiD. « Nous avons équipé quatre centres de formation, assure Romain Soulié, fondateur de ce studio. Les retours des premiers utilisateurs sont très positifs. Les apprenants comme les enseignants apprécient de pouvoir enseigner la taille dès le mois de septembre, avant même le début de la saison hivernale. Cela fait gagner du temps. C’est un outil très adapté pour les calendriers contraints des écoles de viticulture. Les étudiants peuvent s’exercer autant qu’ils le souhaitent avant d’aller sur le terrain. »
Laurent Mabille, responsable du pôle formation professionnelle à l’Institut de Richemont, en Charentes, est l’un de ces acheteurs. Il attendait avec impatience Ampelos pour l’intégrer à son programme de formation dédié aux nouveaux tailleurs. Depuis le mois de novembre, c’est chose faite. « Nous utilisons déjà la VR pour apprendre aux élèves à conduire une machine à vendanger ou un tracteur, indique-t-il. Ça nous semblait donc une évidence de faire de même pour la taille. Ça nous permet de nous affranchir de la saisonnalité, d’enseigner une méthode de taille non mutilante et de donner droit à l’erreur aux débutants. Avec la réalité virtuelle, s’ils se trompent, ils peuvent revenir en arrière pour reconstruire le pied et recommencer autant de fois que nécessaire, sans compromettre ni la récolte, ni la longévité du pied. »
L’Institut de Richemont a acquis trois casques de VR, l’enseignant pouvant alors dispenser son cours à trois groupes de cinq étudiants en même temps. « Dans les cours de formation initiale à la taille, il y a toujours une approche théorique de la physiologie du pied et des différents modes de taille durant lesquels les étudiants apprennent le geste et la posture en salle de classe. Avec la VR, ils deviennent acteurs du cours ; ils ne sont plus simplement observateurs. Et ça change tout. Les apprentissages deviennent interactifs, ludiques. Les élèves sont plus concentrés, plus attentifs et apprennent plus rapidement. »
Avant de démarrer une session d’apprentissage, Romain Soulié, le fondateur de Studio Nyx, rappelle que « l’utilisateur doit sélectionner le mode de taille qu’il souhaite travailler : guyot double, guyot simple, gobelet ou cordon ; taille d’entretien ou de formation des plants. Ensuite, il peut commencer. Il s’exerce a minima sur trois pieds puis enregistre son travail en attendant que l’enseignant commente ses coups de sécateur. D’ici quelques mois, il sera même possible de voir en temps réel les conséquences de la taille sur la croissance de la vigne. »
Autre avantage de la VR, l’enseignant peut étudier les postures prises par son élève en visualisant, après l’exercice, son avatar qui reproduit schématiquement ses flexions et inflexions. « Pendant que l’élève s’exerce, les deux caméras fixées sur le casque et les manettes enregistrent les mouvements de ses genoux et de ses lombaires. En fin de session, l’enseignant connaît le nombre de flexions réalisé pendant l’exercice et, si besoin, corrige la posture de l’apprenti tailleur. »
Si pour l’heure l’avatar ne mime que les mouvements du dos et des genoux, il pourrait également reproduire dans un avenir proche ceux du poignet et des doigts. Une nouvelle façon peut-être de prévenir les TMS chez les tailleurs en leur apprenant aussi à optimiser leur posture.
Et si demain apprendre à tailler la vigne devenait superflu ? Depuis quelques années, la start-up suisse 3D2cut travaille sur la conception de lunettes de réalité augmentée pour guider les tailleurs. Massimo Giudici, cofondateur de 3D2cut et formateur chez Simonit & Sirch, explique. « Grâce à ces lunettes, des tailleurs peu expérimentés verront où couper les bois via l’affichage de traits rouges aux bons endroits. » Massimo Giudici y voit une solution d’avenir pour l’application de la taille respectueuse des flux de sève. Un prototype adapté aux tailles guyot et cordon devrait être commercialisé d’ici octobre 2025.
