eux ans après, quel est le bilan du nouveau contrat d’assurance multirisque climatique (MRC) ? Combien avez-vous d’assurés et comment cela évolue-t-il ?
Jean-Michel Geeraert : Le bilan est très positif. Le nombre d’exploitations assurées continue d’augmenter fortement. Il est évident que la première année, c’est à dire l’exercice 2023, tous les groupes de culture ont fortement progressé, mais 2024 n’est pas en reste non plus. C’était d’ailleurs tout l’objet de la loi, qui vise en 2030 60 % de surfaces assurées en grandes cultures et viticulture, 30 % en arboriculture et prairies. En 2023, les surfaces assurées par Pacifica ont progressé de plus de 70% et de plus de 15% en 2024. En viticulture, c’est déjà 44 % des surfaces qui sont assurées dont plus d’un tiers par Pacifica soit plus de 110 000 hectares de vignes assurées au Crédit Agricole.
Dans un contexte d’inflation climatique il est fondamental que toutes les cultures soient assurées et que les producteurs ne se contentent pas uniquement du fonds de solidarité nationale qui, certes apparait comme gratuit mais dont le niveau d’indemnisation ne permet pas aux exploitants de faire face aux coûts de production. En 2025 le taux d’indemnisation pour les vignes non assurées sera de 35 % (idem toutes les autres cultures non assurées) pour les pertes au-delà de 50 %. Par exemple si une vigne accuse une perte de 75%, l’indemnité versée par le fonds de solidarité sera égale à 8,75% du capital assuré (75 % de perte moins 50 % de franchise = 25 % indemnisable au taux de 35 % soit une indemnité égale à 8,75 % du capital assuré).
Pour une bonne compréhension et comparaison des différences d’indemnisation entre le fonds de solidarité nationale et l’assurance, Pacifica a mis à disposition de tous sur le site Pleinchamp un simulateur d’indemnisation.
Vous faites part d’une tendance positive pour les contrats MRC alors que l’on entend dans le vignoble des critiques sur l’absence de couverture des dégâts de mildiou et sur la référence historique, la moyenne olympique réduisant à peau de chagrin le rendement assuré.
Vous avez cité deux éléments qui génèrent des insatisfactions de la part des vignerons. Ces deux insatisfactions sont relevées également par d’autres producteurs comme par exemple les producteurs de betteraves, de pommes de terre, de céréales, etc… Le fonds de solidarité nationale, tout comme l’assurance récoltes n’indemnisent pas (à date) les pertes dues aux risques sanitaires ou dues à la volatilité des cours des intrants ou des prix de vente de l’exploitant. Le modèle d’indemnisation accordé par le fonds de solidarité nationale correspond à celui qui était accordé jusqu’en 2022 par le régime des calamités agricoles. Quant à l’indemnisation des contrats d’assurance, elle prolonge l’indemnisation du fonds de solidarité nationale (mêmes évènements garantis et même calcul d’indemnité).
Concernant l’application de la moyenne olympique ou triennale, elle n’est pas née d’une demande des assureurs, mais de l’application des textes réglementaires. Pour qu’un contrat soit éligibles aux 70 % de subventions du FEADER, nous devons appliquer soit la moyenne olympique 5 ans soit la moyenne des trois dernières années (Pacifica retient la meilleure valeur des deux). Pour satisfaire ses clients, lorsqu’un exploitant rencontre successivement plusieurs mauvaises années, Pacifica propose un rachat de franchise, une franchise plus basse que 20 %, ce qui permet de rehausser le niveau de garantie. L’inconvénient est que ce bout de cotisation supplémentaire n’est pas subventionné. Le sera-t-il un jour ? Retenons tout de même que lorsque la moyenne olympique diminue, la cotisation en euro/hectare diminue d’autant. Et, pour l’exploitant agricole qui avait l’habitude de payer X euros/ha en période de référence historique satisfaisante, nous pouvons proposer pour ce même montant à l’hectare une garantie de rendement qui soit cohérente avec le potentiel de référence recherché.
Si je vous entends bien, la balle n’est pas dans le camp des assureurs, vous participerez aux discussions qui pourront survenir sur la moyenne olympique.
Pour le moment, on ne participe à aucune discussion. Je n’ai rien vu de concret en la matière.
Partagez vous le jugement que l’on entend souvent dans le vignoble, d’un rendez-vous raté à cause de la non prise en charge des pertes de récolte lié au mildiou, avec la prédiction d’un désengagement inévitable de la MRC ?
Pour le moment, nous n’enregistrons pas de résiliations supplémentaires. C’est vrai en viticulture et c’est vrai pour toutes les autres cultures assurées. Est-ce que beaucoup de viticulteurs vont résilier des contrats ? Nous le saurons dans les prochains mois et notamment à la fin du mois de décembre. Si résiliations supplémentaires il y avait, elles seraient malheureusement d’avantages dues aux difficultés économiques rencontrées actuellement qu’au désintérêt de l’assurance.
Des évolutions du contrat MRC sont-elles nécessaires pour les assureurs ?
L’assurance MRC est efficace. J’en veux pour preuve les rapports sinistres à cotisation que nous enregistrons depuis le début. Quand vous affichez 100 % de rapport sinistre à cotisation, on ne peut pas dire que ça ne marche pas. Un assuré qui cotise 100 est remboursé 100 alors que cela ne lui coûte que 30 par le jeu des subventions. Quelle que soit la culture, les assureurs visent un rapport sinistres sur cotisations d’environ 75 %.
Si certains considèrent que le contrat MRC est un rendez-vous manqué, d’autres veulent aller plus loin en rendant le contrat d’assurance obligatoire à l’activité agricole pour mutualiser les coûts. Y êtes-vous favorable ?
Dans un contexte d’inflation climatique, il est très utile de s’assurer. Pour autant, l’assurance récolte ne peut pas être rendue obligatoire car s’agissant d’un dommage à soi-même, contrairement à par exemple la responsabilité civile pour les véhicules terrestres à moteurs qui elle est obligatoire car susceptible de provoquer un dommage à une tierce personne. Avec 44 % de surfaces assurées en viticulture, nous sommes déjà à un très bon niveau de mutualisation et les tarifs en tiennent compte. On ne gère pas nos tarifs d’une année sur l’autre, nous regardons le ratio sinistres/cotisation sur 8 à 10 ans.
La viticulture : une filière économiquement fragilisée : risque d’impayés, défaillance… Quelle est votre vision de l’avenir de la filière ?
Oui nous ressentons ces difficultés qui peuvent apparaitre différentes d’une région viticole à l’autre dues pour partie à des modification de notre consommation ou des conséquences de décisions politiques ou autres raisons encore… C’est aussi pour ces raisons que je reste persuadé que l’assurance a un rôle majeur à jouer et dans un contexte d’inflation climatique je garde espoir que tous les agriculteurs continuent de souscrire massivement à l’assurance récoltes qui malgré les quelques inconvénients cités tout à l’heure demeure le meilleur outil de sécurisation face aux conséquences du changement climatique : il en va de la pérennité de toutes les exploitations et de leurs filières. Quand on ajoute à tout ça des douleurs climatiques, sanitaires (pour les animaux et les végétaux), il y a beaucoup de risques qui pèsent sur les épaules de l’agriculture.