Les employeurs ayant bénéficié de [l’exonération sur les travailleurs saisonniers] sont tenus de garantir aux travailleurs occasionnels des conditions de logement digne, de participer à la prise en charge de leurs frais de transports, de mettre en place un plan de réexamen de la rémunération à la tâche ainsi que d’appliquer un plan canicule. [Et] les employeurs ne satisfaisant pas à ces exigences ne bénéficient pas des dispositions du présent article » pose l’amendement 870 inspiré par la Confédération Paysanne et porté par la députée Élise Leboucher (Sarthe, La France insoumise) dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (PLFSS). « Les vendanges connaissent généralement leur lot de faits tragiques, de logements indignes et de traitement inhumains, comme l'illustrent régulièrement des témoignages révoltants » indique l’exposé de l’amendement, qui veut « conditionner au respect de ces critères l'exonération de cotisations patronales applicables pour l'emploi de travailleurs occasionnels de demandeurs d'emplois (TO-DE) ».
Discuté ce lundi 21 octobre en commission des affaires sociales, l’amendement a été rejeté, mais non sans éclats de voix. Exposant cette proposition, le député Paul Vannier (Val d’Oise, LFI) défend ce conditionnement en glissant que « certains travailleurs agricoles sont en effet plongés dans des situations inadmissibles. On peut penser au vigneron Grégoire de Fournas, qui était encore député il y a quelques semaines [NDLR : pour la circonscription du Médoc et le Rassemblement National] et qui abritait – le mot n’est pas adapté – trois ouvriers agricoles sous deux tentes plantées au milieu de ses vignes, sans aucun aménagement. »


Défendant son ancien collègue, Joëlle Mélin (Bouches-du-Rhône, Rassemblement National) pose qu’« il peut arriver, en effet, que les travailleurs saisonniers soient mal traités, mal reçus et qu’ils travaillent dans des conditions difficiles. Je sais, pour les avoir expertisées en tant que médecin dans les Bouches-du-Rhône, que ces souffrances existent. Mais il est inadmissible que vous utilisiez une question aussi grave pour vous attaquer de manière diffamatoire, en son absence, à notre ami de Fournas. Il a déjà porté plainte à ce sujet, et il se chargera sans doute de donner des suites à vos propos. »
De quoi faire réagir le député Hadrien Clouet (Haute-Garonne, LFI), qui lance que Grégoire « de Fournas m’a déjà menacé d’une plainte lorsque j’ai rappelé, dans l’hémicycle, puis en dehors, à sa demande, qu’il avait exploité des travailleuses et des travailleurs détachés en les faisant vivre sous des tentes. Il n’a toujours pas déposé cette plainte, et pour cause : ces faits sont rigoureusement exacts. Au moins avait‑il fait montre d’un souci d’égalité en traitant de manière tout aussi ignoble des Français et des étrangers. » Rappelés à l’ordre par le président de séance, le député Frédéric Valletoux (Seine-et-Marne, Horizons), les députés s’en sont tenus là. Avec un vote rejetant la proposition*.
N'ayant pas été réélu dans sa circonscription du Médoc, Grégoire de Fournas explique à Vitisphere déclare avoir déposé plainte contre Mathieu Lefevbre (député Val de Marne, Ensemble pour la République) et France Info (évoquant des travailleurs détachés). Se défendant de toute mise en cause, l’ncien député indique que son père vigneron avait embauché « trois Portugais pendant 15 jours avec un salaire et des contrats français. Ils disaient loger dans un camping-car et mon père les a autorisés à stationner sur un terrain de la propriété. Quand ils sont arrivés, ils ont dit ne pas avoir de camping-car mais des tentes, mon père a été mis devant le fait accompli. Depuis que je m’y implique, je n’aurai jamais accepté que quelqu’un soit embauché sur l’exploitation de mon père sans contrat travail français ou en tant que travailleur détaché. » Son père préparant sa retraite en cédant sa propriété, Grégoire de Fournas est devenu le collaborateur du député européen Gilles Pennelle (Rassemblement National).
* : Rapporteur général, le député Yannick Neuder (Isère, Droite Républicaine) se dit défavorable en appelant d’abord à la nuance en ne généralisant pas « les mauvaises conditions de travail [qui] existent et il faut effectuer des contrôles pour les combattre, mais évitons les raccourcis et les amalgames ». Avant d’indiquer qu’« alors que les agriculteurs se plaignent de l’excès de paperasserie qui les entrave dans l’exercice de leur merveilleux métier, vous proposez d’en ajouter encore. Les entreprises agricoles ne sont pas toutes, loin de là, dimensionnées pour répondre à la surcharge bureaucratique que vous envisagez » car « il faut faire preuve de pondération en matière de contrôles, si nous voulons qu’ils soient réalisables ».