près elle, le déluge? La venue de la ministre de l’Agriculture Annie Genevard le 17 octobre dans les Pyrénées-Orientales (P-O) a coïncidé avec un de ces orages de forte intensité pour lesquels la population viticole et agricole réclame justement des bassins de retenues collinaires. A l’image de la présidente de région Occitanie Carole Delga la semaine passée dans l’Aude, arrivée juste après un gros orage, il faut reconnaître que les venues de personnalités politiques ont le don de faire tomber l’eau du ciel dans les zones d’Occitanie qui en manquent.
« Je ne suis pas là pour faire des annonces, mais pour vous écouter », a rapidement précisé la ministre de l’Agriculture face aux vignes et vergers qui souffrent de l’extrême sécheresse dans le département. Indiquant se déplacer au titre du plan de résilience pour l’eau à l’horizon 2030, Annie Genevard a profité de cette venue pour en dévoiler le premier lauréat. « Le projet d’irrigation par REUT (réutilisation des eaux usées traitées, ndlr) d’Argelès-sur-Mer va bénéficier d’un investissement de 2 millions d’euros dans ce cadre », pointe la ministre de l’Agriculture. Ce projet ne devrait pourtant profiter qu’aux parcelles arboricoles et maraîchères (environ 500 ha) des environs de cette unité de traitement.
Annie Genevard promet néanmoins un retour prochain dans le vignoble d’Occitanie les 4&5 novembre, pour annoncer les prochains lauréats de projets sur l’eau. « La sécurisation en eau du département est absolument cruciale pour nous, au rythme de l’urgence que l’on vit depuis 2022 », lui a signalé la présidente de la Chambre d’agriculture des P-O (CA 66) Fabienne Bonet. « Les P-O sont le laboratoire de ce qui doit être fait pour la résilience et la combinaison des usages de l’eau. On ne peut pas se satisfaire d’une situation hydrique qui condamne les usages agricoles ou des territoires. La multiplicité de ses usages doit être garantie », pose Annie Genevard.
Pour la viticulture départementale, les deux dernières années ont marqué une descente aux enfers d’une production estimée par la CA 66 à 16 hl/ha en moyenne pour 2024 (18 000 ha de vignes). C’est 38 % de perte par rapport à 2023, 56 % par rapport à un potentiel estimé à 38 hl/ha sans aléa (soit 695 400 hl). Si bien que la production 2024 devrait passer sous la barre des 300 000hl pour le département, d’autant que les services de la Chambre d’Agriculture jugent réalistes le chiffre de 1 500 ha de pertes de fonds pour l’année. Dans le même temps, les responsables professionnels de la filière s’attendent à des demandes d’arrachage entre 5 et 10 000 ha, ce qui pourrait aboutir à plus de la moitié du vignoble existant qui serait arraché.


Dans le rapport qu’ils ont présenté à la ministre, les services de la Chambre d’Agriculture concluent que la viticulture est le plus grand perdant de la sécheresse, faute de projets structurants à la hauteur de l’urgence. « Le plan de résilience ne lève pas le tabou du stockage », avancent d’ailleurs les syndicats FDSEA et JA. Ces syndicats demandent donc « la mise à disposition du préfet d’un fonds d’urgence pour le financement immédiat de projets de sécurisation », la levée des freins administratifs et réglementaires qui empêchent l’action d’urgence, et une activation de « la solidarité nationale et régionale par une adduction en eaux brutes extérieures au département (eaux du Rhône), au bénéfice des Pyrénées-Orientales ». Face à la désespérance d’une filière agricole qui trépigne de voir avancer les projets sur l’eau, Annie Genevard ne pourra pas se contenter de refaire tomber la pluie lors de sa prochaine venue. Rendez-vous est donc pris début novembre.