C’est peut-être ma dernière année »… Le président du syndicat des vignerons des Pyrénées-Orientales (P-O) David Drilles résume sans détour l’abattement qui frappe la profession vigneronne du département. D’une voix commune, lui et les présidents départementaux des Vignerons Indépendants, Guy Jaubert, et des Vignerons coopérateurs, Guillaume Ribes, appellent à un financement d’urgence et spécifique au département, alors que le vignoble est en souffrance chronique face à la succession d’aléas climatiques et de sécheresse permanente.


Cette année encore, la sécheresse a fait des ravages et la récolte s’annonce à la baisse, avec « 350 à 380 000hl attendus, soit le volume d’une grosse cave coopérative d’un département voisin, contre 430 000hl l’an dernier », avise David Drilles. « Plus que les volumes, c’est la question des rendements qui est dramatique », rebondit Guy Jaubert, « nous arrivons sur une moyenne départementale de 15 à 18 hl/ha, soit un équilibre financier impossible où nous perdons 2 000 €/ha de manière structurelle à cause des ces rendements trop bas ».
Alors qu’il ne reste que 17 à 18 000 hectares de vignes dans le département, les trois représentants de la profession annoncent 45 millions euros de manque de revenus pour les vignerons dans les P-O, mettant les comptes des exploitations dans le rouge. « A part le littoral audois, dans quel autre département voyez-vous un tel impact d’accumulation de la sécheresse ? », lance Guillaume Ribes.
« Il nous faut ces 45 millions € d’ici la fin d’année, et juste pour notre département, pas pour partager avec d’autres comme ça a été fait avec le précédent fonds d’urgence », tranche David Drilles, « pour apporter un peu de trésorerie à ceux qui veulent continuer leur activité, et surtout accompagner ceux qui vont arrêter, et il y en a beaucoup !». Les trois représentants syndicaux s’accordent sur les retraits massifs d’exploitants que laisse augurer la situation « catastrophique » des rendements et des trésoreries. « Nous sommes en train de crever », enchaîne un Guy Jaubert qui a plutôt l’habitude de tempérer ses propos, « il y a facilement près de la moitié des exploitants du département prêts à mettre la clé sous la porte ».


Plus que de nouvelles discussions autour des projets pour l’eau qui n’avancent pas ou de compensations pour le handicap naturel (ICHN), les trois présidents de syndicats réclament une enveloppe conséquente et spécifique pour le département, « très vite car la tension est telle que ceux qui n’ont plus rien ne partiront pas sans se faire entendre avec fracas », prévient Guillaume Ribes. Outre un financement d’arrachage qui tire en longueur « et qui va faire un gros ménage dans notre vignoble », pose David Drilles, de l’argent supplémentaire est attendu car « un exploitant qui arrache 10 ha pour finalement n’en sortir que 2 000 €/ha à la fin, il fait quoi de ses 20 000€ ? Il paie tout juste ses dettes et n’a plus rien », image le président du syndicat des vignerons des P-O, « et qu’on ne nous ressorte pas une aide assujettie aux minimis, vu les 4 années catastrophiques que nous avons enchainé ! ».
« 4 000 €/ha est un minimum », enchaîne Guy Jaubert, « mais il faudrait que comme à Bordeaux la région puisse abonder un complément. Il faut accompagner dignement tous ceux qui veulent arrêter ». Tous ces messages ont été relayés en début de semaine au préfet et élus de la République. Mais les représentants de la filière sentent grossir dans les rangs une tension qui engendrera des actions fortes si les choses ne bougent pas vite. Une gageure alors que les chaises de la gouvernance nationale restent désespérément vides. « Les vignerons sont en détresse », pointe Guillaume Ribes. « On sait ce qui se passe lorsque le péage du Boulou est bloqué », conclut David Drilles.