Naissance du 77ème vin français à Indication Géographique Protégée (IGP). Ce 7 octobre, la Commission Européenne annonce avoir validé la reconnaissance de ces « vins mousseux de qualité blancs, rosés et rouges produits au nord-est du territoire français, dans les départements de Meurthe-et-Moselle, Meuse et Moselle », sachant que « l'IGP Lorraine est un produit issu de l'histoire du vignoble lorrain qui remonte à l'époque romaine ». Une précision sur l’historicité de l’IGP qui a toute son importance.
Déposé il y a trois ans auprès de l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO), le dossier demandant la reconnaissance de l’IGP a été homologué par arrêté interministériel le 12 octobre 2021 et immédiatement attaqué devant le Conseil d'État pour manque d’antériorité par la Fédération Nationale des Producteurs et Élaborateurs de Crémant (FNPEC). Une requête en annulation rejetée par la troisième chambre le 23 décembre 2022, la plus haute juridiction administrative pointant que « la production de vins mousseux de qualité dans la zone de l’IGP Lorraine, qui avait quasiment disparu après la Première guerre mondiale, s'est développée notamment à partir des années 1980-1990 et consolidée depuis le début du XXIème siècle », d’où le jugement que « le moyen tiré de ce que l'homologation du cahier des charges par l'arrêté attaqué procèderait d'une erreur d'appréciation en l'absence d'un tel lien doit être écarté ».


Avec l’inscription dans le registre des indications géographiques de l’Union, « affaire classée, il n’y plus rien à redire » évacue le viticulteur bordelais Dominique Furlan, le président de la FNPEC, pour qui la validation européenne cet automne « est un non-évènement. C’est une régularisation, il n’y a pas plus de polémique. » Alors que les crémants ont multiplié les attaques contre les vins effervescents IGP par le passé, sa fédération reste attentive face aux projets naissants pour les IGP du Gard ou de Pays d’Oc. « On communique avec les opérateurs qui ont ces ambitions. On comprend les volontés de segmenter les productions et d’aller vers bulles, mais attention, il faut un savoir-faire et de l’antériorité » prévient Dominique Furlan.
« Je suis content que cette région puisse s’identifier avec son élément effervescent grâce à son antériorité » réagit Éric Paul, le président du comité vin IGP de l’INAO, pour qui « on a besoin de toutes cordes possibles à nos arcs : y compris sur celui de la bulle » alors que la position défensive des AOP crémants lui semble trop restrictive : « c’est dommage que l’on scie la branche sur laquelle on s’assoie. On laisse les opérateurs d’autres pays prendre ces parts de marché. »
Actuellement, 18 producteurs de vins effervescents de Lorraine sont identifiés, car depuis l’homologation en 2021, il est possible de « revendiquer Lorraine sans appliquer la mention IGP sur les étiquettes » explique Amandine Rivière, l’animatrice des vins du Grand Est (AOC Côtes de Toul, IGP Côtes de Meuse et AOC Moselle). Avec 1 500 hectolitres de bulles de Lorraine produites en 2023, l’IGP compte augmenter sa production désormais : « des producteurs attendaient la reconnaissance effective. On mise sur 40 vignerons producteurs » avance Amandine Rivière. Dans le vignoble lorrain, « c’était attendu » confirme Stéphane Vosgien, le président de l’AOC Côtes de Toul (20 producteurs pour 4 500 hl, dont 1 000 en méthode traditionnelle).
L’INAO précise à Vitisphere que l’IGP est rétroactive dès le millésime 2021, comme « l’arrêté d’homologation de 2021 prévoit en son article 2 une protection nationale transitoire à compter de la date de dépôt de la demande d‘enregistrement auprès de la Commission européenne (accusé réception le 15 novembre 2021) » et que « suite à la publication au Journal officiel de l’Union européenne du 7 octobre 2024 […] les vins produits depuis la récolte 2021, respectant le cahier des charges et soumis au contrôle prévu dans le plan de contrôle afférent validé par l’INAO, peuvent bénéficier de l’IGP Lorraine. »