luviométrie : 240 mm de mai à juillet ! C’est ce qu’a enregistré Cédric Moussé, vigneron bio à Cuisles, dans la Marne. C’est aussi la période durant laquelle il a testé le robot de pulvérisation YV01 de Yanmar, le seul de son genre, dans ses vignes pentues et argileuses. Autant dire que cette nouvelle machine a été mise à rude épreuve.
Entre le 15 juin et le 15 juillet, le robot a réalisé sept passages sur 1,20 ha d’un seul tenant, mais divisé en une dizaine de parcelles appartenant à six viticulteurs de la Cuma Terres de Meunier. Cédric Moussé a conduit seul les essais, appliquant uniquement des produits autorisés en bio. Les autres vignerons, tout en ayant fourni leur accord à ce que ce chenillard traite leurs vignes, continuaient à appliquer leurs propres traitements conventionnels. En ce qui les concerne, le test portait uniquement sur le comportement de l’engin, ils voulaient savoir comment il s’en sortirait sur leurs terres argileuses et pentues, riches en dévers. Une première étape avant, peut-être, de lui confier le soin de traiter leurs vignes.
Dans ces conditions acrobatiques et arrosées, le robot Yanmar a connu des débuts difficiles. « En bio, on doit repasser immédiatement après une pluie, précise Cédric Moussé. Alors au début, il se chargeait en terre et bourrait. Mais nos interlocuteurs chez Yanmar ont été très réactifs. Ils ont revu la programmation du robot. Une équipe du Japon est venue en soutien des équipes techniques d’Épernay. Le problème a été résolu en une semaine. »
Équipé de deux descentes à l’arrière, le YV01 traite en jet porté un rang complet et deux demi-rangs par passage. Il passe donc tous les deux rangs. Dans ces vignes plantées à 1 m d’écartement et sur des pentes pouvant atteindre 45 %, il a fallu quatre heures par passage pour traiter toutes les parcelles avec les 200 litres de bouillie que contient la cuve embarquée.
Une fois réglés les problèmes d’adhérence et de bourrage, « nous n’avons connu aucune panne et nous avons très facilement géré le robot en nous connectant sur le site Yanmar sur notre smartphone, poursuit Cédric Moussé. Sur la partie robotique et sur le chenillard, le test a été très concluant. La cuve est bien conçue, elle est facile à remplir. Elle comprend une petite turbine qui maintient en permanence la bouillie en suspension, même quand le moteur est arrêté. De ce fait, il n’y a pas de bouchage. »
En revanche, la qualité de la pulvérisation sur des vignes bio, selon le vigneron, mérite d’être améliorée. Cédric Moussé a appliqué du soufre, du cuivre et des huiles essentielles. Il estime que la pénétration de ces produits dans les grappes n’a pas été suffisante pour les protéger.
« J’ai arrêté l’essai 15 juillet, lorsque j’ai constaté que j’avais là plus de mildiou sur feuilles que dans mes autres parcelles, précise-t-il. Ensuite, j’ai refait six traitements avec mon pulvé, jusqu’au 8 août. Au total, j’ai effectué 24 passages. J’estime avoir perdu entre 30 et 40 % de récolte sur les vignes testées. Mais il est difficile d’imputer cela uniquement à la pulvérisation. Cette année, il fallait intervenir à l’heure près. Réaliser une comparaison fiable aurait nécessité que je divise ma parcelle en deux et que j’intervienne exactement au même moment avec le robot dans une moitié et avec mon pulvé dans l’autre, ce qui n’était pas réalisable. »
La vitesse de progression est un autre point qu’il aimerait voir améliorer. Elle est actuellement de 3,5 km/h : il souhaiterait qu’elle passe à 5 km/h.
Malgré ces résultats mitigés, Cédric Moussé reste confiant sur l’avenir du YV01. « L’an prochain, j’effectuerai des tests avec de la fluorescéine de façon à visualiser la pulvé. Ce robot présente un vrai intérêt pour éviter à la fois les accidents dans les vignes pentues et de se prendre les produits dans la figure ! » Contactée, l’entreprise Yanmar confirme que son robot est toujours en phase expérimentale et que des tests seront reconduits à Cuisles.
Toujours en Champagne, Moët & Chandon possède un robot YV01 depuis 2023. Avec de meilleurs résultats. « Nous l’avons utilisé sur 5 ha en conventionnel, à Cramant et à Aÿ, dans des pentes pouvant aller jusqu’à 50 %, avec des dévers, résume Yannick Pellerin, chef de projet robotique et innovation. La qualité de pulvérisation est la même qu’avec nos tracteurs. Le robot a une très bonne adhérence. Je ne l’ai jamais mis en défaut, même en le poussant au maximum. »
Le Comité Champagne l’a également testé, en 2023, sur une petite parcelle en bio de son domaine expérimental de Plumecoq, à Chouilly. « Cet essai s’est bien passé, rapporte Mathieu Liébart, chef de projet agroéquipement et robotique. C’est une machine en cours de finalisation, qui assure un bon niveau de pulvérisation. Il y a encore un peu de travail à faire, notamment sur le paramétrage de la pulvé. » C’est au programme de l’an prochain.
Conçu pour naviguer dans les parcelles dangereuses pour les enjambeurs ou les tracteurs, le robot YV01, de Yanmar, pèse une tonne pour une puissance de 25,3 ch. Il peut emporter 200 litres de bouillie, de quoi traiter un hectare en pleine végétation. La pulvérisation est à jet porté. Elle repose sur deux descentes surmontées d’une turbine et équipées de trois buses par côté, soit douze buses en tout. Yanmar annonce une vitesse de progression de 4 km/h, ainsi qu’une capacité à rouler sur des pentes frontales à 45 % et des pentes latérales à 20 %.