eune, motivé et plein d’idées : à 30 ans, Benjamin Bérangier s’apprête à reprendre l’entreprise familiale située à Sarrians, dans le Vaucluse. Un métier qu’il a embrassé par amour de sa région et pour défendre un savoir-faire. « C’est une profession où l’on apprend tous les jours et où on est producteur mais aussi comptable, plombier pour entretenir le réseau d’irrigation, électricien… », explique-t-il.
La pépinière familiale comprend 2,5 ha de vignes-mères de greffons et 16 ha de vignes-mères de porte-greffes. Elle produit 600 000 plants par an qu’elle vend à façon (à d’autres pépiniéristes), et jusqu’à 3 millions de boutures de porte-greffes.
Plusieurs projets et sujets l’animent. À commencer par l’entretien des vignes-mères. Chez lui, comme dans beaucoup de pépinières de sa région, les vignes-mères de greffons sont désherbées chimiquement le long des rangs et mécaniquement dans l’interrang.
« Dans le Vaucluse, les températures sont excessives l’été, établit-il. Or, laisser le sol nu n’est pas la meilleure façon de combattre ce réchauffement. De plus, quand il pleut beaucoup comme ce fut le cas à l’automne et au printemps, la récolte des greffons devient très pénible. J’aimerais pouvoir enherber les rangs. Mais il reste à trouver une espèce très peu concurrentielle de la vigne. »
Benjamin Bérangier réfléchit aussi à la conduite des vignes-mères de porte-greffe. Aujourd’hui, ces vignes sont menées en tête de saule et poussent le long du sol. Elles sont désherbées chimiquement au débourrement, avec un choix restreint d’herbicides, puis mécaniquement tant que la végétation n’est pas trop développée. Mais dès la fin du printemps plus aucune intervention n’est possible, si bien que des mauvaises herbes – comme l’érigéron – les envahissent, ce qui complique la récolte des bois à l’automne. Afin de remédier à ce problème, des pépiniéristes mènent des essais d’enherbement, qui selon Benjamin Bérangier n’ont pas débouché sur des solutions opérationnelles. Lui voudrait faire ses propres essais, mais il juge que la conjoncture ne se prête pas à de telles dépenses.
Son confrère Alexandre Bouyer, 32 ans, a déjà opéré des changements dans la conduite de ses vignes mères. Il a rejoint il y a une dizaine d’années la pépinière familiale située à Sarrians, et créé le domaine du Grand Singe en 2017. « Les deux activités sont complémentaires, indique-t-il. Et le fait de vinifier me donne encore plus l’envie de produire des plants. »
Alexandre Bouyer a créé le domaine du Grand Singe en 2017
Le jeune vigneron est adhérent aux Pépinières du Comtat, une coopérative également basée à Sarrians dont l’un des fondateurs n’est autre que son grand-père. Il greffe autour d’un million de plants chaque année, possède 15 ha de vigne-mères de porte-greffes en production et 10 ha de vignes-mères à greffons.
Alexandre Bouyer a supprimé les herbicides dans ses vigne-mères à greffons il y a huit ans, et dans les vignes mères de porte-greffes il y a trois ans. Une complication pour l’entretien de ces porte-greffes. « Les pieds sont plantés à 2,50 m d’écartement, précise-t-il. Je fais un premier passage de disques en février puis un autre en avril. Puis début mai, je passe un intercep combiné d’une charrue vigneronne. J’ai un tracteur étroit qui me permet de passer même si les rameaux ont déjà poussé de 50 à 60 cm. Le travail du sol est plus efficace que le désherbage chimique mais il faut multiplier les passages. Je réfléchis à une autre solution. »
Sa voisine Fanny Clément, 29 ans, est revenue il y a deux ans dans l’entreprise familiale, basée à Piolenc. Une reconversion qu’elle a opérée après avoir travaillé à Paris pendant un an et demi en tant qu’ingénieure en logistique. « Je voulais exercer un métier qui a du sens. Nous commercialisons entre 600 000 et 700 000 plants chaque année. En rejoignant la pépinière familiale, j’allie l’agriculture à mes compétences en logistique puisque j’assure la gestion et l’organisation des ateliers et la planification des tâches. Mon père s’occupe de la conduite des pépinières et des vignes-mères, ma tante de l’administratif et du commercial. »
Fanny Clément est frappée par la lourdeur des tâches administratives
Pour le moment, Fanny Clément ne voit pas de changements majeurs à opérer dans la pépinière familiale. « Je trouve que notre organisation fonctionne bien », dit-elle. Mais elle est frappée par la lourdeur des tâches administrative. « Nous cultivons de l’ail, des poires, de la vigne et des plants de vignes. La pépinière est l’activité qui demande le plus de suivi administratif. » Elle aimerait disposer d’un outil qui faciliterait les déclarations. Elle compte pour cela sur l’émulation et les échanges au sein de la commission Jeunes. Des jeunes qui fourmillent d’idées.
En octobre 2023, la FFPV a lancé une commission Jeunes, dont Fanny Clément, Benjamin Bérangier et Alexandre Bouyer font partie comme une quarantaine d’autres pépiniéristes novices. Cette commission s’est donné plusieurs missions. « Nous voulons préparer des fiches détaillant le mode de conduite des porte-greffes, où il sera question du palissage, indique Benjamin Bérangier, animateur de cette commission. Des essais montrent qu’il convient bien à certaines variétés comme le 333 EM, mais pas à d’autres, comme le 3309 dont le port est très retombant. Nous souhaitons aussi réaliser des tutoriels afin d’aider nos aînés à maîtriser les outils numériques. Souvent, lorsqu’ils contrôlent leurs pépinières, ils notent leurs observations sur une feuille de papier et les reportent ensuite sur leur ordinateur. Or, ils pourraient tout noter une seule fois sur une tablette ou un téléphone. »