rganisation indépendante à but non lucratif, Swedwatch rend compte des relations commerciales avec les pays en voie de développement. Son dernier rapport se montre très critique à l’égard des pratiques opérées par certaines exploitations viticoles sud-africaines en matière de droits des ouvriers agricoles. Rémunération insuffisante pour soutenir une famille, hébergements insalubres, discrimination à l’égard des ouvriers syndiqués et exposition à des produits chimiques dangereux, dont le paraquat, substance interdite dans l’Union Européenne depuis 2007, sont autant de défaillances recensées dans le rapport. Celui-ci remet en cause également l’efficacité de certains systèmes de certification très répandus, dont celui de l’association WIETA, qui servent de cautions à la fois pour les acheteurs et les consommateurs.
Corroboration finlandaise
Ce n’est pas la première fois que la filière vitivinicole sud-africaine, et notamment les exploitations viticoles, sont montrées du doigt pour leurs manquements à l’égard de leurs ouvriers. En effet, en juillet 2023, l’organisation non-gouvernementale finlandaise Finnwatch publiait un rapport examinant les conditions de travail au sein du secteur qui dénonçait le même type de pratiques. Pointant l’histoire coloniale du pays comme l’une des origines des mauvais traitements, le rapport note par ailleurs que la concentration de la filière, les problèmes de rentabilité et le recours important à des travailleurs migrants issus de pays où l’économie et les droits de l’homme sont fragiles, n’aident en rien à améliorer la situation.
Des systèmes de certification défaillants
Un autre rapport, cette fois rédigé en 2020 par SOMO (centre de recherches sur les multinationales) aux Pays-Bas, arrivait aux mêmes conclusions. L’organisation à but non lucratif estimait que les manquements identifiés étaient d’autant plus graves que 20-25% de l’ensemble des vins commercialisés sur le marché néerlandais étaient sud-africains, et que 80% d’entre eux étaient vendus en grande surface. « Même si le vin sud-africain est très apprécié dans le monde entier, une large partie est vendue à très bas prix. Le tarif à l’hectolitre est parmi les plus faibles au monde », note le rapport. Et celui-ci d’affirmer que les systèmes de certification opérant dans le pays ne pouvaient aucunement garantir une amélioration des conditions de travail des ouvriers : « En raison de leur caractère volontaire, la certification et les efforts d’amélioration n’ont aucun pouvoir de sanction ».
Les acheteurs ont le pouvoir d’opérer des changements
Dans les trois cas, les auteurs des rapports insistent sur le pouvoir exercé par les acheteurs pour faire évoluer la situation, que ce soit les monopoles nordiques ou les acheteurs de la grande distribution. « Cela s’applique également à d’autres acteurs de la chaîne d’approvisionnement tels que les importateurs européens, les embouteilleurs et les négociants », martèle SOMO. De son côté, Systembolaget – dont seule la moitié des entreprises fournissant des vins sud-africains au monopole ont accepté de divulguer des informations à Swedwatch – affirme mener « un dialogue avec les fournisseurs et autres parties concernées dans la chaîne d’approvisionnement pour élaborer un plan d’action ». Le mois prochain, Systembolaget et d’autres monopoles nordiques doivent se rendre en Afrique du Sud pour un suivi et des visites des exploitations dénoncées dans le rapport. « Nous attendons avec impatience un dialogue constructif et une coopération continue avec toutes les parties concernées pour améliorer les conditions de travail dans le secteur vitivinicole sud-africain » déclare le monopole suédois.
Depuis la diffusion en 2017 à la télévision finlandaise d’un documentaire danois intitulé « The Bitter Taste of Wine » (« Le goût amer du vin »), qui décrit des conditions « esclavagistes » dans la production de vin en Afrique du Sud, le monopole finlandais Alko affirme que les ventes de vins sud-africains ont « considérablement diminué » dans ses magasins. Pour autant, il n’est pas question de stigmatiser l’ensemble de la filière. Certaines initiatives menées par d’importantes sociétés sud-africaines se sont avérées particulièrement positives pour les ouvriers agricoles et autres employés de cave. C’est le cas de « The Pebbles Project » qui vient en aide aux enfants de cette communauté depuis 2004. D’ailleurs, Finnwatch « n’encourage pas les consommateurs à boycotter les vins sud-africains », mais plutôt à être vigilants dans le choix des produits et à privilégier une double certification biologique et équitable.