S’il existait un produit miracle contre le mildiou, on le saurait ! » lance Marie-Charlotte Michaud, la conseillère animation du plan mildiou à la Chambre d’Agriculture de la Gironde (CA33) à l’occasion de la présentation des premiers résultats des essais Alt'Fongi 3 Biosolutions ce mardi 23 juillet au château Dillon (lycée viticole de Blanquefort). Orchestré par le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB), ce plan de recherche et d’expérimentation sur les produits de biocontrôle et biostimulants cherche à comprendre dans quelles conditions ses alternatives aux produits phytosanitaires marchent le mieux. Travaillant depuis 2018, et la première salve d’essais Alt'Fongi, sur des produits de biocontrôle déjà homologués, le plan mildiou part désormais sur une sélection plus large de molécules plus ou moins avancées : des essais en laboratoire à celles homologuées.
Avec l’objectif de sortir également du seul biocontrôle, en testant aussi des substances naturelles à usage biostimulant (SNUB) pour « faciliter les mécanismes de défense de la plante afin de lutter contre le mildiou dans le vignoble bordelais, qui y est fortement confronté comme en témoigne le millésime 2024 » souligne Séverine Dupin, chef département recherche et développement de la CA 33, notant « une année où tout le monde a pu être surpris ». Avec cette troisième version d’Alt’Fongi, « on n’attend pas que les produits soient homologués pour travailler avec ces sociétés et avoir de l’antériorité » dès qu’ils sont mis sur le marché précise Nicolas Aveline, ingénieur pour les essais vignobles de l’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV), qui résume l’approche de crash-test : « on commence à étudier de nouveaux candidats en voyant ce qu’ils ont dans le ventre. On débroussaille avant d’autres essais ».
Microparcelles
Ce millésime 2024, sept biostimulants et cinq SNUB ont été testés sur des microparcelles de vignes médocaines (châteaux Dillon et Saint-Ahon) : de nouveaux produits dont la composition et les entreprises productrices ne sont pas communiquées. Pulvérisées à chaque passage de tracteur, ces biosolutions ont été comparées à un traitement de référence (bouillie bordelaise seule), un cuivre modulé (selon des règles de décision donnant une réduction de 0 à 100 % en fonction des prévisions de pluies, de l’état sanitaire de la parcelle et de la pression globale du mildiou*), un cuivre modulé avec les biostimulants (château Dillon) et une bouillie bordelaise de référence avec les SNUB (château Saint-Ahon).
Présentant des pressions et situations mildiou variables (voir encadré), les deux parcelles expérimentales présentent, lors de ce point d’étape de juillet, de premiers résultats où toutes les biosolutions et traitements de références ont des résultats équivalents (non significativement différents d’après les premiers résultats statistiques) résume Séverine Dupin, qui rappelle que le biocontrôle n’a pas pour objectif l’éradication des maladies, mais la création d’un équilibre plus large à l’échelle de la parcelle. « Sur la première année [d’essais] il est difficile d’avoir une stratégie arrêtée » pour les biosolutions poursuit Nicolas Aveline, affirmant l’« objectif de poursuivre plusieurs années avec les mêmes produits pour déterminer les usages les plus pertinents ».
Boîte à outils
L’ambition du plan mildiou du CIVB étant d’avoir au final d’autres outils pour protéger le vignoble selon un gradient de substitution des phytos, notamment le cuivre, dès que cela est pertinent par rapport aux conditions sanitaires/climatiques et cohérent par rapport aux risques de pertes de rendement. Ce qui reste le nerf de la guerre pour les vignerons, comme l’ont rapporté des participants de cette journée de partage de résultats (les raisins seront pesés lors des vendanges pour faire). Sachant que pour réduire les intrants, il n’y a pas que les produits de biocontrôles. Des outils physiques sont aussi en développement, de la bâche Vititunnel aux dispositifs UV boosting, sans oublier le matériel végétal comme les cépages résistants au mildiou…
* : La baisse maximum de dose aura été de 75 % sur la saison, avec une réduction moyenne de 50 % au début des traitements, pus de 25 % ensuite rapporte Nicolas Aveline.
Sur la parcelle Alt’Fongi de merlot du château Dillon, le premier traitement a eu lieu le 23 avril, une amorce tardive par rapport à d’autres vignobles, mais qui s’explique par une parcelle tardive à sol argileux : « la situation ici n’est pas la même qu’à Saint-Emilion ou dans les Graves » pointe Nicolas Aveline. Avec 14 traitements sur la saison, la pression a été contenue jusqu’à début juillet : les premiers symptômes apparaissant fortement après les pluies du 19 juin lessivant les traitements. Au finale, le traitement de référence à pleine dose de cuivre arrive à 3,6 kg/ha, tandis que la modulation tombe à 2,1 kg/ha. Comme le fait remarquer un viticulteur, la surface foliaire de ces vignes semble réduite (par l’écartement des vignes à 1,5 m et des pied peu montés en hauteur, ainsi qu’un feuillage peu épais), ce qui a un impact sur les traitements et la dose hectare.
La plateforme du château Saint-Ahon (à 2 km de celle de Dillon) est une parcelle de cabernet sauvignon sur des sols très sableux indique Camille Errecart, chargée de mission sur la protection du vignoble pour la CA 33, qui a vu les traitements commencer le 16 avril. Après 16 traitements, la dose de référence est à 4,1 kg/ha, les essais SNUB sont à 3,25 kg/ha.