rappes, rameaux, et même écorce des ceps : le 19 juin 2023, vent et grêlons avaient tout emporté sur leur passage, laissant le vignoble de Preuilly (AOC Reuilly) exsangue. « Une soixantaine d’hectares ont été balayés en quelques minutes », se souvient Emeline Jaclin , conseillère à la Sicavac. «Il n’y avait plus une feuille, et les rameaux ressemblaient à de la paille ». Venu constater les dégâts, le ministre de l’agriculture Marc Fesneau évoquait un « phénomène tornadique », et promettait un soutien de l’État.
Au-delà de ces images très médiatisées, quelles ont été, depuis, les conséquences pour les vignerons ? « L’événement s’est immédiatement traduit par un surcroît de travail. Les viticulteurs, qui avaient commencé à relever, ont du redescendre les fils pour laisser la vigne repousser », relate Emeline Jaclin. Une question se pose alors : faut-il épamprer à nouveau pour que la végétation reparte mieux ? « Certains l’ont fait, d’autres non. Dans les deux cas, le cycle est très bien reparti, grâce à une très belle arrière saison. Trois semaines après, on avait déjà des repousses, puis des feuilles et une nouvelle floraison. C’était essentiel : les pieds ont pu faire des réserves et une nouvelle initiation florale pour cette saison 2024. »
Laurent Goussard, chef de culture au domaine Joseph Mellot, se souvient. «Sur nos 12 hectares touchés, les bourgeons sont ressortis des entre-coeurs, mais aussi directement sur les pieds. La vigne a fait repartir un cycle. Il y a même eu quelques sorties de raisins, qui ne sont jamais arrivés à maturité. » Résultat : ces vignes meurtries nécessite un nouveau cycle de travaux en vert. « On a relevé et accolé une première fois en juillet, une seconde fois en août. Ce n’était pas évident de trouver du personnel à ce moment !» Dans le même temps, « Il a fallu continuer la protection sanitaire, pour préserver le feuillage et atteindre l’aoûtement. On traitait encore cette vigne mi-septembre alors qu’on avait commencé les vendanges sur d’autres parcelles... »
Après une récolte nulle dans le secteur, la taille s'est révélée compliquée. « Il y avait de grosses disparités, il fallait se poser des questions à chaque cep », rapporte Emeline Jaclin. « Comme il était difficile de trouver des baguettes assez solides, beaucoup en ont laissé deux, et ont fait leur choix au moment du pliage ». Une méthode adoptée par Laurent Goussard. « On choisissait plusieurs demi-baguettes, puis au pliage, au moment du débourrement, on voyait lesquelles avaient des bourgeons préservés, et on les gardait. » À cette difficulté s’ajoute « la grande quantité de bois à enlever ». L’un dans l’autre, « la taille a mis quasiment deux fois plus de temps. On a mis une trentaine de coups de sécateur au lieu d’une dizaine. Avec le recul, je pense qu’il aurait fallu ébourgeonner après la repousse pour gagner du temps à la taille ».
Aujourd’hui, ces parcelles, en cours de floraison, se comportent bien. Selon Emeline Jaclin, « la vigueur est correcte et on a de bonnes sorties. On s’attendait à pire». Même constat de Laurent Goussard. « Cette saison 2024, les vignes poussent à peu près comme les autres. La sortie de grappes pourrait donner, dans le meilleur des cas, une demi-récolte. Mais il faut attendre que cela aille au bout et voir à ce moment la qualité des raisins. »

Les vignes à la taille cet hiver. Photo : Emeline Jaclin.
Catherine Corbeau-Mellot, propriétaire du domaine Joseph Mellot, confie qu'« il a fallu compenser l’absence total de récolte 2023 en achetant du moût ». Pour ce faire, « notre activité de négoce a été d’une grande aide ». Côté financier, « la partie assurance a fonctionné », mais pas l'aide promise par l’État. « Elle était soumise à de très nombreuses conditions, avec des calculs alambiqués. On craignait de ne pas cocher toutes les cases, et ça a été le cas : on a pas eu le droit à l’indemnisation car la surface de nos vignes touchées était trop faible par rapport au total de notre vignoble », regrette la vigneronne.



