’est un rituel que Mickaël Delanoue, viticulteur à Saint-Nicolas-de-Bourgueil, en Indre-et-Loire, a bien intégré. Chaque fois qu’il a terminé d’écimer l’un de ses îlots, il s’arrête et retire les brins et les feuilles qui sont restés accrochés à sa machine et sur son tracteur. « J’enlève à main nue tout ce qui est apparent. C’est important de le faire pour lutter contre la flavescence dorée. Car des cicadelles contaminées peuvent se nicher dans le feuillage resté coincé dans l’engin, il y a alors un risque de les transporter d’une parcelle à l’autre. Ce nettoyage est rapide, il ne me prend pas plus de cinq minutes. Mon écimeuse – une Ferrand double rang – est récente (moins de cinq ans). Tous les rebords sont en inox, les feuilles ne s’y collent pas. Elle n’est donc jamais très sale. »
Le vigneron travaille sur 20 ha répartis en quatre îlots, dont l’un compte une parcelle contaminée par la flavescence dorée depuis 2021. C’est toujours cette parcelle qu’il rogne en dernier. Une fois le travail terminé, comme pour les autres îlots, il retire le feuillage coincé dans la machine. De retour à l’exploitation, sur sa plateforme, il lave au karcher tracteur et écimeuse.
D’après Mickaël Delanoue, cette prophylaxie est indispensable. Et fait partie intégrante des moyens de lutte contre la maladie au même titre que la prospection, l’arrachage des ceps suspects, les traitements insecticides obligatoires et la plantation de matériel végétal traité à l’eau chaude. « La flavescence dorée est récente chez nous, indique-t-il. Tout mettre en œuvre pour éviter sa propagation nous tient à cœur. Et on espère bien l’éradiquer. Tout le monde joue le jeu. Je suis secrétaire de l’ODG Saint-Nicolas et au moment des premiers écimages, nous rappelons à tous les viticulteurs l’importance du nettoyage des engins. »
Frédéric Daguené, responsable du pôle santé du végétal chez Polleniz (fusion de la Frédon Pays de Loire et des FDGdon), confirme l’importance de ce nettoyage. « Il est avéré que certains cas de flavescence sont dus au transport de cicadelles contaminées par les engins. Dans le Val de Loire, il y a peu de foyers. Le nettoyage des engins est crucial d’éviter de propager la maladie, surtout des rogneuses car c’est là que se logent le plus de débris. Mais aussi celui des pulvérisateurs. »
En Bourgogne, Luc Pavelot cultive 10 ha de vignes sur Pernand-Vergelesses et Aloxe-Corton. « Mon parcellaire est très morcelé, avec 42 parcelles dont la majorité font entre 5 à 10 ares. Trois d’entre elles représentant une quarantaine d’ares sont dans le périmètre de lutte obligatoire contre la flavescence dorée, mais elles sont indemnes de pieds flavescents. Lorsque je rogne, je termine par ces parcelles. »
De retour sur son exploitation, Luc Pavelot nettoie son appareil. « En donnant un coup de karcher ou de soufflette, mais on n’arrive pas à tout bien enlever et il reste toujours des résidus de feuilles, sur le ventilo de l’enjambeur par exemple. Mais il ne faut pas se focaliser là -dessus ». En revanche, il ne nettoie pas sa rogneuse entre chaque parcelle « Ce serait trop chronophage, et peu utile car comme on ne peut nettoyer qu’à la main ou à la balayette, il reste toujours des débris, explique-t-il. L’idéal serait de passer un coup de compresseur mais ce n’est pas envisageable à la parcelle. »
Dans le Var, Patrick Tochou viticulteur et pépiniériste, travaille sur 13 ha à La Celle. « Je me trouve en plein milieu du foyer qui a été découvert en 2022. Des symptômes sont présents dans une bonne moitié de mes vignes, dans la direction des vents dominants qui poussent les cicadelles d’une parcelle vers l’autre. La contamination provient d’un voisin qui avait un gros foyer à moins d’un kilomètre de chez moi. Il avait vu les symptômes mais ne les avait pas identifiés comme étant de la flavescence. »
Depuis, Patrick Tochou qui travaille en bio met tout en œuvre pour lutter contre la maladie : arrachage des pieds symptomatiques, traitements au Pyrévert, comptage des cicadelles avant et après traitement pour en mesurer l’efficacité, prospections rigoureuses et nettoyage des engins lors des travaux en vert. « Quand j’écime, je travaille toujours du secteur indemne vers le secteur contaminé pour ne pas étendre la contamination. Tout mon vignoble est d’un seul tenant. Quand j’ai terminé mon chantier, je retire de la machine toute la végétation visible. Ensuite, sur mon aire de lavage, je passe un coup de karcher. C’est surtout en juillet qu’il y a un risque car à cette période, les cicadelles sont adultes et elles ont pu acquérir le phytoplasme en piquant un pied contaminé. Et ce sont les écimeuses qui sont le plus susceptibles de transporter les cicadelles. Avec les appareils de traitement, on ne transporte pas de végétation. Avec la machine à vendanger, il y a tellement de jus sur les feuilles que les cicadelles n’y survivent pas. Et en plus, on la lave à la fin de chaque journée. »
Patrick Tochou pointe toutefois du doigt un autre risque. « Lorsqu’on effectue les prospections, on peut avoir des cicadelles sur les vêtements et les transporter. Il faudrait donc que l’on pense à secouer nos vêtements ». Une autre paire de manches…
En Champagne, en période d’écimage, le nettoyage des outils et du châssis des enjambeurs à chaque sortie de parcelle figure dans les arrêtés préfectoraux de lutte obligatoire dans les zones délimitées. « Mais cette mesure est à généraliser à l’ensemble de la Champagne », insiste le Comité Champagne. En Bourgogne, l’arrêté précise « qu’il y a un risque de dissémination des cicadelles de la flavescence dorée par le matériel viticole ». « Il ne dit pas explicitement qu’il faut nettoyer son matériel, rapporte Marie-Charlotte Paput, de la Frédon, mais implicitement, c’est bien ce que cela veut dire. Dans les faits, la Frédon BFC, les services de l’État et la profession viticole (CAVB, BIVB) communiquent maintenant largement sur cette pratique, indispensable à l’amélioration de la lutte. Dans d’autres régions comme le Val de Loire, le Var ou encore l’Occitanie, le nettoyage des tracteurs et des outils afin de les débarrasser de leur feuillage n’est pas obligatoire mais fortement recommandé.