oin d’être un plan sans accroc, la partition législative jouée par le gouvernement pour calmer la grogne agricole connaît nombre d’imprévus. Après le revers de l’adoption ce jeudi 4 avril à l’Assemblée Nationale de la proposition de loi pour "Garantir un revenu digne aux agriculteurs et accompagner la transition agricole" portée à l’occasion de la niche parlementaire du groupe écologiste, l’exécutif bénéficie d’un peu de répit avant la prochaine niche des écologistes au Sénat, prévue ce jeudi 30 mai. Pas de quoi souffler pour autant…
Le souffle étant suspendu à une saisine du Conseil constitutionnel sur l’étude d’impact du projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture. « Cela aura pour conséquence la suspension temporaire de son inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale durant 8 jours » indique le cabinet du ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, pointant que « si le Conseil constitutionnel valide l’étude d’impact, le calendrier reprendra son cours. Le calendrier ne serait véritablement affecté que si le Conseil Constitutionnel estime que l’étude d’impact devrait être retravaillée. »
Déjà reporté pour aborder des questions de simplification après les manifestations paysannes du début d’année, le projet de loi d’orientation agricole est suspendu à l’avis du Conseil Constitutionnel alors que les oppositions, menées par La France Insoumise, reprennent les réserves du Conseil d’État. « L’étude d’impact produite à l’appui du projet de loi n’est ni insuffisante et encore moins insincère » répond le ministère, ajoutant avoir « complété son étude d’impact suite au passage en Conseil d’Etat, sur tous les articles visés dans le document du groupe LFI. »
Dans le même temps, la pression reste forte sur le travail d’instauration de prix planchers sur les produits agricoles, conformément aux promesses du président Emmanuel Macron, qui a suscité l’intérêt dans la filière vin (de Bordeaux à la Vallée du Rhône). Dans une lettre ouverte au président, trois syndicats agricoles minoritaires (Confédération paysanne, Coordination Rurale et MODEF) appellent à concrétiser l’annonce pour créer un « filet de sécurité » attendu, car « ces prix minimums sont la traduction concrète de la revendication première de tous les agriculteurs, qu'ils soient mobilisés ou silencieux sur leurs fermes : l'interdiction d'achat de nos productions en dessous du prix de revient qui comprend nos charges, la rémunération de notre travail et notre protection sociale ».
Demandant d’imposer ces prix minimums « aux produits importés, pour neutraliser la concurrence déloyale tant sur le plan social qu'environnemental », les trois syndicats veulent ainsi « sécuriser la valeur du travail dans le secteur agricole et de mieux répartir les marges dans les filières alimentaires. Or le sujet a scandaleusement quasi disparu des 62 engagements déclinés par le gouvernement ces derniers jours. »
Ce 22 février, le premier ministre, Gabriel Attal, confiait aux députés de la majorité Anne-Laure Babault (Charente-Maritime) et Alexis Izard (Essonne) « une mission parlementaire afin d’évaluer une potentielle évolution du cadre législatif et réglementaire des lois EGalim et, plus globalement, des négociations commerciales » rapporte le ministère de l’Agriculture. Mais pour les trois syndicats, « abandonner ce sujet central à la seule évaluation des lois Egalim est complètement insuffisant, trop incertain et trop lent ». De quoi désaccorder encore un peu plus l'orchestration gouvernementale.