Le traitement qui coûte le plus cher est celui qui n’a pas été fait à temps », insiste Paul-Armel Salaun, chargé de mission Viticulture Biologique chez Bio Nouvelle Aquitaine et référent viticulture biologique à l’ITAB. De là à savoir quand exactement renouveler une application de cuivre « c’est tout un art », admet l’expert.
Pour y voir plus clair, le Comité Champagne et la société CJH ont remis en place des essais de 2021 à 2023. L’originalité de ce travail tient au fait que les expérimentateurs ont mesuré l’efficacité d’un traitement au cuivre après des pluies réelles survenues au vignoble. Pour cela, au printemps, dans des conditions de vigne poussante, ils ont réalisé des traitements à la dose de 400 g/ha de cuivre métal avec une rampe à jet porté Précijet, un matériel commun en Champagne. Puis, ils ont prélevé des feuilles (la quatrième au niveau des apex car c’est la plus sensible) à différentes dates après les applications, qu’ils ont inoculées avec du mildiou en laboratoire. Pour finir, ils ont mesuré le taux d’infection de ces feuilles en comparaison avec des feuilles non traitées.
Les résultats qui viennent d’être publiés dans « Le vigneron Champenois » sont étonnants. Alors qu’en Champagne, l’usage est de renouveler le cuivre après 15 mm environ de pluie, « dans les conditions de ces essais, après 20 mm et même 30 mm de pluie cumulées, dont des pluies orageuses, nous n’avons pas constaté de baisse d’efficacité d’une application de cuivre, explique Marie-Laure Panon, responsable du service Ecosystème et protection du vignoble. Au contraire, nous avons observé un maintien, voire une augmentation de l’efficacité du cuivre qui pourrait s’expliquer par une redistribution du produit par la pluie. Cela suggère qu’il faudrait renouveler les traitements au cuivre en priorité en fonction de la pousse de la vigne, soit après trois nouvelles feuilles, plutôt qu’en fonction de la pluviométrie. Mais pour le moment il est prématuré de remettre en cause les usages. Nous souhaitons consolider nos résultats avec d’autres essais ».
Des usages qui découlent des essais réalisés par l’IFV en 2003 et 2013 avec un simulateur de pluie. A l’époque, les expérimentateurs avaient mesuré la quantité de cuivre qui reste sur le végétal après différents niveaux de précipitations. Ces essais « ont montré que ce sont les 5 premiers mm de pluie qui génèrent le plus de lessivage, faisant perdre 20 % du cuivre appliqué. Puis, on en perd à nouveau 20 % entre 5 et 20 mm », rapporte Nicolas Constant, référent viticulture biologique à l’IFV. Mais le lien n’avait pas été fait entre lessivage et perte d’efficacité. Les expérimentateurs étaient partis du principe que l’essentiel du cuivre ayant disparu, la vigne n’était plus protégée.
Les essais du Comité Champagne changent-ils la donne ? Comme Marie-Laure Panon, Nicolas Constant reste prudent. Pas question de revenir sur la règle actuelle dite des 20, selon laquelle il faut renouveler un traitement au cuivre après un cumul de 20 mm de pluie ou après 20 cm de pousse. Tout en sachant qu’il ne s’agit pas d’une règle absolue. « Les périodes les plus problématiques sont celles avec où les pluies s'enchaînent non-stop pendant plusieurs jours voire plusieurs semaines, indique Nicolas Constant. S’il n’a plu que 10 mm mais que la météo annonce des pluies conséquentes pour les jours à venir, mieux vaut renouveler un traitement avant ce nouvel épisode pluvieux. A l’inverse s’il a plu plus de 20 mm mais qu’ensuite il va faire sec avec du mistral, le renouvellement peut attendre. Même chose pour la pousse. 20 cm c’est un ordre de grandeur. Si la croissance est très rapide, les renouvellements devront être plus fréquents ».
Paul-Armel Salaün est du même avis. « Renouveler le cuivre après 20 mm de pluie c’est le bon ordre de grandeur, sachant qu’il faut prendre en compte d’autres paramètres. S’il n’est tombé que 5 mm mais que la vigne a poussé et qu’un orage est annoncé, il faut renouveler le traitement car sinon les organes néoformés ne seront pas protégés. En période de forte sensibilité de la vigne, il faut renouveler les traitements au moins une fois par semaine car il suffit d’une forte rosée pour engendrer une contamination. La floraison est une période très critique. Si l’on traite juste avant la chute des capuchons, les baies fécondées ne seront pas protégées et à la merci de la moindre pluie ».
Discours similaire dans le Var. « On conseille de renouveler le cuivre dès 15 à 20 mm de pluie ou dès 15 cm de pousse. Et dans tous les cas, il faut pas laisser la vigne sans protection durant la floraison même si aucune pluie n’est annoncée », rapporte Lise Martin, de la chambre d’agriculture.
Lors de ses essais le Comité Champagne a comparé cinq produits cupriques : Héliocuivre (hydroxyde de cuivre + terpènes), Champ flo ampli (hydroxyde de cuivre), Cuproxat SC (sulfate de cuivre tribasique), Nordox 75 WG (oxyde cuivreux) et la Bouillie bordelaise RSR disperss (sulfate de cuivre). A chaque passage, il a apporté 400 g de cuivre métal/ha. Dans ces conditions, les hydroxydes (Champ flo Ampli et Héliocuivre) se sont montrés les plus efficaces et les plus réguliers. « C’est aussi ce que nous avons noté dans d’anciens essais. Nous allons retravailler le sujet », rapporte Nicolas Constant à l'IFV.