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n vent d’Est frais souffle la sciure projetée. Les yeux tout autour s’en protègent. Ce mercredi matin 14 mars, dans le Malepère, une machine de taille mécanique Ferrand fait son office dans une vigne de Cyrille Pupato, devant une quinzaine de spectateurs. Les cordons audois n’ont qu’à bien se tenir. Le pilotage assuré du vigneron associé au suivi électronique du cordon de la dernière mouture du fabricant audois ne laisse aucune chance aux bouts de sarments, rebelles d’une prétaille déjà courte. Les viticulteurs, vignerons et salariés invités par Ferrand ne sont pas là par hasard. La plupart sont clients d’une machine ou sont en passe de l’être.
« Il y a une vraie tendance de fond qui s’installe autour de la taille mécanique, partage le responsable commercial Gaëtan Marty. Nous multiplions les démonstrations. Hier dans le Gers, aujourd’hui dans le Malepère, demain en Corbière, etc. Nous voulons démontrer l’efficacité des améliorations apportées sur cette machine ». En effet, le bureau de développement de la marque n’a pas chômé. Resserrement hydraulique des disques latéraux au lieu d’électrique, réglages d’angles des scies, etc. Ce jour-là , le cordon est bien serré. « La machine évolue de façon plus souple », admettent plusieurs viticulteurs. « Nous regardons d’autres modèles, comme chez Pellenc, bien efficaces aussi », confie un autre. Le match des machines de taille est donc lui aussi, serré. Un challenge de plus pour Ferrand, qui après 50 ans d’existence, se retrouve embarqué dans une nouvelle étape de son histoire. Et cela, dans un contexte délicat.
Crise de consommation et crise des rouges oblige, il y a moins d’investissement dans le matériel. Et sur certains outils, l’effet ciseau est là . « D’une part, les viticulteurs se sont massivement équipés d’interceps confie Gaëtan Marty. D’autre part, les aides à l’investissement de ces matériels sont maintenant très faibles. Les ventes sont donc calmes de ce côté-là ». Heureusement pour lui, le constructeur audois a plus d’une corde à son arc et propose une large gamme d’outils. « La pulvérisation, les outils de désherbage, de tonte, d’épamprage ne devraient pas subir le même sort. Il faut encore attendre le mois d’avril et que la période de risque de gel soit passée pour mieux savoir où vont aller les investissements, quelles seront les priorités des viticulteurs ». L’attentisme est de mise. Mais l’usine tourne à un bon rythme.
D’autant qu’une modernisation conséquente de l’outil de production de Ferrand et Dhugues a été opérée ces dernières années. Discret, l’industriel audois a considérablement agrandi la surface de son usine de Villemoustaussou entre 2015 et 2019. « Avec environ 9 300 m2, on frôle l’hectare couvert. Nous consacrons trois cinquièmes de la surface à l’assemblage et au stockage de pièces ». Une proportion conséquente qui s’explique par le nombre de références d’outils. « 240 au tarif ! Dont chacune a des variantes. Le nombre de combinaisons est gigantesque ». Puis en 2020, le groupe a investi dans des nouvelles cabines de peinture et dans des convoyeurs de pièces. Ce projet de hall peinture représente alors un budget d’1,5 millions d’euros. Pas moins de 68 salariés sont aujourd’hui à leur poste de travail, en soudure, peinture, assemblage, à la compta ou au SAV.

Attenante à Carcassonne, peu d’habitants de la ville préfecture se doutent de la taille et de l’importance de l’usine. Mais Ferrand-Dhugues figure parmi les plus importants employeurs privés de l’agglomération, le 96ème du département. Le CA atteint 12 M€ en 2023. Il était monté jusqu’à 14 M€ en 2021. Une activité d’autant plus importante que la ville souffre depuis plusieurs années de difficultés économiques et sociales, avec un taux de chômage important.
Cadeau de ses 50 ans, Ferrand trouve une nouvelle dimension pour ses activités l’an dernier. Le business viticole audois passe alors à une échelle mondiale, avec l’arrivée d’un grand constructeur allemand. En effet, le groupe Ero rachète Ferrand et Dhugues fin 2023 à Serge Trouvel. Ce dernier conserve Suire et Razol. Alors que Ferrand exportait assez peu, et surtout en Espagne et au Portugal, le fabricant se trouve désormais courtisé au Canada ou en Nouvelle-Zélande. « Notre objectif est d’améliorer nos performances à l’export en europe, puis en Amérique du nord et si possible dans des pays de l’hémisphère sud. On s’appuie pour cela sur les équipes d’Ero. Et puis nous avons du renfort pour la partie SAV, pour les 4 marques du groupe Ero Binger Ferrand et Dhugues. Cela devenait nécessaire pour couvrir efficacement de grands territoires, pour aller par exemple jusqu’en Charente ».
What’s next ? Le nouveau groupe ne s’étend pas trop sur les futurs projets de Ferrand et veut sécuriser son activité, alors que l’année 2024 s’annonce compliquée. « Mais à moyen et long terme, on sait qu’on dispose d’une petite réserve foncière si l’on doit s’étendre », précise Gaëtan Marty. Pour l’heure, les mois qui arrivent vont être consacrés aux démonstrations chez des clients et chez des prospects. Ferrand connaît ses basiques.
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