es dernières années, les trois principaux groupes verriers affirment dans leurs documentations destinées aux investisseurs ce qu’ils réfutent à leurs clients que sont les opérateurs de la filière vin : les seconds paient plus qu’il n’en faut pour assurer les bénéfices des premiers. « L’effet cumulé des hausses de prix de vente passées en 2022 et au début de 2023, ainsi qu’un effet mix positif, ayant plus que compensé une nouvelle forte hausse des coûts de production » témoigne le bilan financier global du groupe français Verallia en 2023 (3,9 milliards € de chiffre d’affaires pour un résultat net de 475 millions €, respectivement +17 % et +34 % en un an). Le groupe verrier n’ayant pas d’informations plus précises à donner à Vitisphere su le marché des bouteilles de vin en France, le communiqué indique que « la hausse des prix de vente moyens par rapport à 2022 a largement alimenté la croissance du chiffre d’affaires, avec toutefois un effet moindre au cours de l’année par la comparaison défavorable aux hausses de prix successives en 2022 et la baisse contenue mais régulière des prix de vente en 2023 en Europe. »
Même tendance pour le groupe américain O-I, qui vend moins de contenants en verre (-12 % en tonnes par les effets de déstockage et de situation macroéconomique) mais plus chers (7,1 milliards de dollars, +4 %) grâce à de « solides initiatives en matière de prix nets et d’expansion des marges dans un contexte de demande plus faible que prévu ». Si le groupe espagnol Vidrala n’a pas encore publié ses résultats annuels, son bilan sur les 9 premiers mois de 2023 donne déjà la tendance (1,2 milliard € de ventes en septembre 2023, +17 % en un an, avec un EBITDA de 316 millions €, +99 %). « Dans un contexte de demande plus modeste, les marges opérationnelles se redressent, la rentabilité reste solide et l'activité génère le niveau de trésorerie attendu » résume sobrement Vidrala.


En somme, le verre reste bien rempli pour les industriels de la bouteille, quand ses clients ont du mal à digérer cette stratégie industrielle se faisant sur leur dos. Confirmant comme l’an passé que le vigneron est « le cocu qui paie la chambre » des surprofits verriers, Jean-Marie Fabre, le président des Vignerons Indépendants de France reste déçu par la stratégie de maximisation financière de ces groupes. « Il n’y a pas de retour d’ascenseur, c’est indécent. Il aurait été de bon augure d’adopter une baisse des prix plus importante avec ces chiffres de bénéfices qui consolident de la dette et augmentent les dividendes. On ne peut pas toujours être la seule vache à traire ! » reproche-t-il, alors que les « baisses trimestrielles qui nous sont annoncées sont sans commune mesure avec les hausses subies ces dernières années et les baisses du coût de l’énergie. Aucun effort n’est fait. On se sera fait plumer deux fois. »
Estimant que les caves particulières utilisent 2 à 2,5 milliards de bouteilles annuellement, Jean-Marie Fabre pointe que le vignoble a « contribué significativement aux performances des groupes verriers, qui ont désormais reconstitué leurs stocks et ont décidé de mettre des sites partiellement au chômage technique » face à la baisse de la demande. Ce que confirme Verallia, évoquant « la décision d’adapter nos capacités de production pour maîtriser nos stocks ». Une gestion de réduction de l’offre pour mieux garder la tension sur les prix. « Si les groupes verriers ne baissent pas leurs prix, ils déchanteront dans quelques mois quand des entreprises seront en défaillance à cause de la fragilité de nos trésoreries » prévient Jean-Marie Fabre.