h 00, ce mercredi 7 février. C'est le branle-bas de combat dans la commune libre du village de Saint-Brice, à Chartres, en Eure-et-Loir. C'est jour de taille de la parcelle qui produit le rosé de Chartres. Comme chaque année depuis vingt ans, les membres de cette association accueillent des vignerons retraités, membres de la Confrérie des Bien Faye du Layon. Trois d'entre eux sont venus spécialement de Faye-d'Anjou, dans le Maine-et-Loire, leur prêter main-forte.
Après un petit café-croissant, Yves Massicot, 73 ans, André Nouteau, 72 ans, et Olivier Lecomte, 66 ans, enfilent leurs bottes et leur cotte de travail. Et c'est parti pour tailler les 499 pieds de grolleau qu'ils ont plantés en 2003 sur les terres de l'hôpital de Chartres. Autour d'eux, une trentaine de bénévoles de l'association participent à l'opération. Tels des moineaux, certains d'entre eux s'égaillent dans les rangs de vigne et commencent à couper comme ils l'entendent.
Les trois vignerons, eux, prennent chacun un rang, entourés par des bénévoles curieux qui les observent et les interrogent. « On taille en court bois, explique Yves Massicot, grand organisateur de la journée avec Dominique Pellero, vice-président de l'association, en charge du lopin de vigne et de l'élaboration du rosé. On ne laisse pas de baguettes mais un ou deux mouchy de rappel (courson) et une dague à trois ou quatre yeux. Dans tous les cas : pas plus de dix-onze yeux par cep car s'il y a trop de raisins, cela ne donne pas de la qualité. »
Sous le regard à la fois sévère et plaisantin d'Yves Massicot, Alain, un bénévole s'applique. Mais il se désespère. « Je ne sais plus comment tailler car à chaque fois que je choisis un rameau, Yves me dit que ce n'est pas bon ! », déplore-t-il. Cep après cep, pourtant, il persévère.
« Eh, les gars ! Coupez-les ras, coupez bien ras, lance régulièrement le meneur de revue aux amateurs, s'agissant des sarments. Sinon, si on laisse un œil, les gourmands, ça pousse. » Un message un peu vieille école.
Ailleurs, André Nouteau indique : « Jusque-là, c'est américain, puis c'est français », afin d'illustrer la différence entre le porte-greffe et le greffon. « On laisse les dagues qui porteront la récolte cette année, mais on anticipe aussi l'année suivante en gardant deux mouchy qui vont se développer, poursuit-il. Lors de la taille de l'an prochain, l'un d'entre eux sera conservé et portera la récolte 2025. Vous voyez ? » Un bénévole s'exclame : « Je suis vraiment très surpris de voir la sévérité de la taille, jamais je n'aurai osé couper autant de bois ».
Pour sa part, Michel, sympathisant de l'association, tire les sarments tout juste taillés et les lie en fagots, qu'il emportera pour allumer ses barbecues l'été, comme nombre d'autres bénévoles.
11 h 30. « Eh, les gars ! On a fini. Il faudrait boire un coup dans la vigne », s'exclame Yves Massicot. Sitôt dit, sitôt fait. « Je suis heureux de venir là », confie-t-il, ravi du nombre de participants. Seul regret : les membres de la confrérie, comme ceux de la commune libre, vieillissent et la relève n'est pas assurée. N'empêche, rendez-vous est donné, comme d'habitude, pour la fête des vendanges qui aura lieu le dernier week-end de septembre.