C’est ma première mobilisation, déclare Fabrice Camus, alors qu’il participe au blocage de Bergerac le mardi 23 janvier. Je suis ici avant tout par solidarité pour mes collègues mais aussi pour faire entendre ma voix. La viticulture va mal. On croule sous les normes. J’ai 12 ha, je vinifie 300 hL. Je suis un artisan, pas un industriel ».
Autre revendication de ce vigneron à la tête des Avinturiers, à Monbazillac : « stopper la hausse des charges. L’appellation Monbazillac me permet de vivre, mais pour les rouges et les rosés, les marchés s’effondrent. Si on ajoute à cela le coût du GNR, la hausse des matières sèches… On ne peut pas répercuter ces hausses sur nos tarifs. Le pouvoir d’achat de nos clients a fondu comme neige au soleil ».
La situation est telle qu’il doute de l’intérêt pour son fils de lui succéder. « Mon grand-père a créé la propriété et je me suis installé en 1999. Aujourd’hui, mon fils pense reprendre le flambeau mais on le pousse à partir à l’étranger. On n’arrive plus à se rémunérer ; on ne veut pas envoyer nos enfants au casse-pipe ».
En Charente, en fin de matinée ce 23 janvier, trois viticulteurs de Saint-Genis-d'Hiersac se rendent à Angoulême pour participer à une opération escargot. « On veut montrer qu’on est là et donner une belle image, raconte Christophe Barbari. Je manifeste car j’en ai ras-le-bol des demandes administratives, des normes, des contraintes. Je voulais être agriculteur, pas passer mon temps au bureau. Et avec l’accumulation de normes environnementales, notamment phytosanitaires, on ne sait plus où on en est ».
« S’ajoutent l’obligation de la certification environnementale Cognac et la hausse du GNR, constate son collègue Bruno Marin. A force, on a peur de faire des bêtises et de subir des sanctions, alors que notre revenu n’augmente pas ».
Ces trois viticulteurs et céréaliers, adhérents à la FNSEA, sont aussi remontés face à une concurrence déloyale qu’ils dénoncent. « On nous demande de produire de la qualité et on importe des produits moins chers que les nôtres, obtenus hors des normes qu’on nous impose ». Ils regrettent encore de devoir tout le temps se justifier. « Lors de repas en ville, les gens en face de nous savent mieux notre métier ! » s’emporte Mathieu Moreau, le troisième équipier, qui poursuit : « Je manifeste aussi par solidarité avec nos collègues éleveurs : ils ne sont pas rémunérés alors qu’ils font un travail de dingue ». « Ce sera une belle et grosse manifestation, espère le trio, avec beaucoup de personnes, syndiquées comme non syndiquées »
La veille à Perpignan, le 22 janvier, 150 à 200 agriculteurs et une soixantaine de tracteurs se sont rassemblés à partir de 10 h pour bloquer le péage de Perpignan Sud, puis l’autoroute A9. Dans l’après-midi, les manifestants ont exprimé leur colère en déversant gravats et branchages devant la préfecture et la DDTM. Parmi eux, Pierre Hylari, vigneron sur 14 ha à Estagel. « On ne vit plus de notre métier. En Occitanie, le revenu moyen en viticulture est de 600 € par mois selon CER France. Et dans notre département, nous avons les rendements les plus bas de France. Avec la hausse des charges, ce n’est plus tenable. Tout le monde s’engraisse sur notre dos et nous, on s’en sort plus. Sans compter les procédures administratives qui n’en finissent plus de s’alourdir. Avec 14 ha, vous croyez que j’ai de quoi payer une secrétaire pour remplir toute cette paperasserie ? Aujourd’hui, nous disons stop, ras le bol de se plier aux injonctions ».
David Drilles, président des Vignerons des Pyrénées-Orientales était également de la partie : « La viticulture est la grande oubliée dans notre département. La sécheresse qui a démarré en 2022 perdure en 2024. Les vignes qui ont végété l’an dernier risquent de ne pas repartir et de générer des pertes de fonds. Nous demandons une aide spécifique, non assujettie aux minimis, comme en ont bénéficié nos collègues arboriculteurs et maraîchers qui ont obtenu 6 millions d’euros ».
Jeune viticulteur installé sur 40 ha à Bages, Jean Henric est à l’initiative de la manifestation « On a l’impression d’être abandonnés. Personne ne prend en considération la sécheresse sidérale que nous subissons. Il faut qu’on nous autorise les forages plus profonds, l’accès à l’eau des barrages et la création de retenues collinaires, sinon nous sommes voués à disparaître ». La contestation ne se limite pas aux Pyrénées-Orientales. Aude, Gard, Hérault et Gironde se sont joints au mouvement quelques jours plus tard.