rtigues-près-Bordeaux, 9 heures du matin, ce 21 décembre. Richard Barraud est arrivé en avance. Pas question de perdre une miette de la séance de coaching organisée par la Fédération des Vignerons Indépendants de Nouvelle-Aquitaine pour aider ses membres à préparer au mieux leur participation aux salons de Luxembourg, fin janvier, et de Haute-Savoie, début mars. Deux salons ouverts aux particuliers et aux professionnels.
À la tête du Château Carmenère sur 17 ha en AOC Médoc, à Queyrac, Richard Barraud se sent très concerné : « Je n’ai jamais fait de salon. C’est important pour moi de comprendre comment s’organiser pour bien vendre ses vins. En janvier, je serai à Luxembourg. »
9 h 30, une cinquantaine de participants de tous âges est sagement assis, bloc-notes en main, pour engranger infos, outils et recettes. Olivier Antoine-Geny, fondateur du cabinet AOC Conseils, prend la parole. Il sera leur coach pour cette réunion qui doit durer toute la matinée. Voix rassurante, œil malicieux, il annonce la couleur : « Je ne vais pas vous donner un cours mais des outils pratiques pour que vous repartiez avec des pistes de travail. » Et de poser un préambule : « Il faut d’abord vous poser les bonnes questions : qui êtes-vous ? qu’est-ce qui vous différencie des autres viticulteurs ? Pour les clients, c’est essentiel de le savoir », leur lance-t-il.
Pour expliquer cette identité, il faut mettre en place un « pack vendeur », en d’autres termes se doter d’un logo, de slogans, de plaquettes en différentes langues si l’on veut exporter, de vidéos, d’un site web, etc. « Vous l’avez fait ? interroge le coach. Non ? » Pas de réponse. Qu’importe, il enchaîne sur une autre phase préparatoire pour un salon à l’étranger : la connaissance du marché qu’il draine. « Ou trouve-t-on des études de marché ? », demande Olivier Antoine-Geny.
Une jeune vigneronne ose répondre « So Wine ». « Faux, tranche-t-il. So Wine donne surtout des tendances. Allez plutôt vers bordeauxconnect.com ou www.xerfi.com. Et où trouver des bases de données sur le Luxembourg ? Je vous écoute. » Dans les rangs, on sèche. Réponse : vinup.com, pleinchamp.com et Google Maps, application où l’on peut trouver tous les cavistes d’un lieu en tapant ce mot dans la barre de recherche. Chacun note consciencieusement.
Tout aussi indispensable : le fichier clients et l’outil de gestion de la relation client, autrement dit un CRM (Customer Relation Management). « CRM ? », interroge Olivier Antoine-Geny. Silence. Le coach tente une image : « Le CRM, c’est l’équivalent du tracteur que vous utilisez à la vigne. » Sourires dans la salle. Et de donner quelques noms de logiciels de cette famille : HubSpot, Salesforce, Pipedrive.
Le coach enchaîne : « Comment connaître les motivations d’achat d’un client ? » Nouveau silence. Répondant à sa question, il écrit « Soncas » sur son paperboard. Yeux ronds des participants. Quesaco ?, se demande ce viticulteur, bonnet vissé sur le crâne. Toujours au tableau, Olivier Antoine-Geny détaille la signification de chacune des lettres de Soncas et indique à ses auditeurs qu’ils sauront quoi vendre à leurs clients lorsqu’ils auront compris leurs motivations d’achat. Au marqueur, il inscrit la liste de ces motivations : Sécurité (label, traçabilité… ), Orgueil (original, festif, savoir-faire…), Nouveauté (produit nouveau chaque année, recherche technique…), Confort (livraison à domicile, se conserve bien…), Argent (bon rapport qualité-prix), Sympathie (bouteille gravée, vacances, rappel des fêtes). À chacun d’en prendre de la graine.
Puis il poursuit sur la préparation d’une mission de prospection auprès d’acheteurs professionnels. « Sur une ville, combien de rendez-vous par jour ? » « Huit », lance un jeune, assis au premier rang. Ouf, enfin une bonne réponse. Pêle-mêle, le coach donne ses tuyaux. « Pensez à envoyer un texto avant vos rendez-vous pour les confirmer. Pendant le face-à-face, parlez à votre interlocuteur de rotation de produits, de marge. Mais pensez aussi que le vin, c’est de l’humain. N’hésitez pas à l’inviter à dîner et à lui envoyer une offre en suivant. Vous vous différencierez ainsi par votre professionnalisme et votre réactivité. »
Retour au sujet du jour : la préparation du salon de Luxembourg du 24 au 28 janvier. « Avez-vous prévu de la nouveauté pour ce salon ? Une nouvelle cuvée ? Non ? » « Pour beaucoup, c’est la première fois », excuse Daniel Mouty, le président de la Fédération des Vignerons Indépendants de Nouvelle-Aquitaine. Le coach insiste : « Que prévoyez-vous pour attirer les visiteurs ? Ouvrir de vieux millésimes ? Vous êtes dans un salon pour faire du chiffre d’affaires. Quel est votre objectif de vente ? » La salle est secouée.
Alors Daniel Mouty, voix forte et gouailleuse, gestes larges, se lève. Quitte à voler la vedette au coach, il s’adresse à ses collègues. « Il faut arrêter de sous-estimer le pouvoir d’achat des clients. On a en face de nous des Luxembourgeois qui vivent très bien. » À son tour, il donne ses astuces : « Faites des cartes d’invitation manuscrites. Ça plaît. Au Luxembourg, on vous demande les documents douaniers et une facture proforma. Cette facture va servir de base pour le calcul de la TVA. Et aucun transitaire en douane ne prend la carte bleue. De même, il faut savoir qu’aucun vin ne peut être exempté de la TVA, même pas ceux que vous offrez en dégustation. Tout est comptabilisé. »
Olivier Antoine-Geny reprend la main et enfonce le clou : « Quand un client est face à moi, qu’il soit particulier ou professionnel, je fais quoi ? Je crée un environnement positif avec une phrase de bienvenue puis je le mets tout de suite dans le contexte en lui proposant de goûter le nouveau millésime. Et je lui donne des infos sur ce qui me différencie des autres. Enfin, n’oubliez pas que vous pouvez toujours faire une vente additionnelle, une fois la commande passée. »
12 heures, fin de la séance. Richard Barraud semble satisfait : « Il y a plein de conseils à mettre en place, mais il faut avoir du temps », lâche-t-il. Olivier Antoine-Geny le sait très bien. « Les viticulteurs courent partout », regrette-t-il. Sans doute est-ce la raison pour laquelle il a mené tambour battant sa séance de coaching.
La Fédération des Vignerons Indépendants de Nouvelle-Aquitaine organise régulièrement des sessions de coaching commercial. Avant celle du 21 décembre destinée aux participants aux salons de Luxembourg fin janvier et de Haute-Savoie début mars, elle avait organisé deux autres séances en octobre pour les participants à Wine Paris et à ProWein. « Ces sessions répondent à un besoin exprimé par les adhérents. L’objectif est de leur apporter des outils d’aide à la commercialisation, mais aussi de partager des témoignages et des expériences », indique Bénédicte Lacombe, directrice de la Fédération. Ces sessions sont gratuites et accueillent une trentaine de participants en moyenne.