égémonie des bouteilles en verre, peu d’efforts pour alléger le poids des bouteilles et manque d’ambition pour réduire les émissions de gaz à effet de serre… Décidément, selon les retours recueillis auprès d’un panel de plus de 200 professionnels aux Etats-Unis, le développement durable ne semble pas être une priorité. Laxisme ou manque de compréhension des enjeux ? La Rabobank penche plutôt en faveur de la deuxième explication, à commencer par l’utilisation des bouteilles en verre. Le sondage mené en 2023 montre que 60% des professionnels interrogés pensent que le verre représente « le choix de packaging le plus durable ». S’ajoutent à cette conviction des considérations commerciales qui rendent les formats alternatifs (cannettes et bag-in-box par exemple) moins attrayants à leurs yeux que le verre : durée de vie en rayon plus courte, faibles marges bénéficiaires, manque d’engagement des distributeurs et détaillants, et performances de vente médiocres pour les packagings alternatifs. « L’ensemble de la chaîne de valeur, depuis les chaînes d’embouteillage jusqu’aux structures de merchandising, s’articule autour des bouteilles en verre », déplore la banque agroalimentaire néerlandaise.
L’absence d’évolution en la matière est confirmée par les chiffres : plus de 75% des volumes de vins commercialisés aux USA sont conditionnés en bouteilles en verre – contre 17% pour les BIB, 3% pour les PET et 1% pour les TetraPak et les cannettes – cette part dépasse 90% dès lors que les ventes directes sont intégrées et qu’il s’agit des valeurs. Par ailleurs, la moitié des producteurs aux Etats-Unis n’ont fait aucune démarche pour alléger le poids de leurs bouteilles ; la Rabobank estime que la quasi-totalité des producteurs pourraient faire plus d’efforts. Cela, sachant que « l’allégement du poids de leurs bouteilles représente le moyen le plus facile, le plus rapide et le plus fiable de réduire les émissions de GES liées à leurs packagings ». A fortiori lorsqu’on prend en compte les délais d’adaptation extrêmement longs requis pour décarboniser la filière du verre, et le manque de maîtrise du secteur vitivinicole sur ce processus.
Concernant les efforts déjà consentis, ils s’avèrent encore relativement faibles, et surtout indicateurs d’une marge de progression importante : le poids moyen des bouteilles parmi les producteurs qui les ont allégées s’établit à 524g (contre 601g pour ceux qui ne l’ont pas modifié), soit une réduction de 13%. « Même si ces bouteilles sont plus légères, elles ne constituent pas pour autant des bouteilles véritablement allégées », note la Rabobank, reprenant le chiffre de 420g établi par la Sustainable Wine Roundtable. Ce consortium d’opérateurs notamment européens promeut le développement durable dans la filière, et ses membres expérimentent actuellement l’utilisation de bouteilles pesant moins de 400g.
Comme le souligne la Rabobank, le LCBO en Ontario fait payer des frais d’un dollar US pour des bouteilles de plus de 420g et refuse catégoriquement celles pesant plus de 620g. « Vu la multiplication des détaillants qui fixent des objectifs et des seuils de poids maximums, ainsi que des réglementations comme le plan européen « Fit for 55 » qui incitent les entreprises à réduire leur empreinte en matière d’émissions de GES, sans parler du fait que réduire le poids de la bouteille permet d’économiser de l’argent, il y a de moins en moins de raisons probantes pour que les marques n’allègent pas leurs bouteilles », affirme le rapport. Au niveau des coûts, d’ailleurs, les estimations calculées par la banque sont éloquentes : « Pour une cave qui commercialise un million de caisses pour un poids moyen par bouteille de 650g, la transition vers une bouteille pesant 420g lui permettrait d’économiser près de 3 millions $ [soit 2,7 M€] par an en frais de conditionnement et de réduire d’environ 10% ses émissions GES ».
Enfin, côté consommateurs, leur réaction négative serait surestimée, considère la Rabobank. Celle-ci pointe la piqûre de la bouteille comme première source de réduction du poids, un élément peu différenciant pour les marques qui ne modifie en rien l’apparence de la bouteille pour les consommateurs. Plusieurs entreprises sondées ont confirmé n’avoir reçu aucun retour négatif de la part de leurs distributeurs, détaillants ou consommateurs après avoir allégé leurs bouteilles. « Vous avez déjà vu un consommateur soulever des bouteilles et comparer leurs poids ?! » a noté Tony Maan, le directeur du développement fournisseurs chez le géant américain The Wine Group.


Pour la Rabobank, la réussite de cette transition réside dans l’évolution progressive du poids des bouteilles : « Les producteurs peuvent enlever la majeure partie du poids excédentaire de la bouteille sans que cela n’impacte leurs opérations, leur ventes ou les propriétés durables ou esthétiques de leur packaging », affirme la banque, tout en reconnaissant que là où le bât blesse, c’est la suppression des derniers 50g/60g. Outre les questions techniques – avec un taux de casse plus important chez les verriers mais pas lors de la mise en bouteille, l’expédition ou la distribution – les bouteilles véritablement allégées offriraient peu de gains pour le moment en matière de coûts car la faible demande n’entraîne pas encore d’économies d’échelle. Enfin, si l’information aux points de vente et auprès des professionnels de la distribution s’avère primordial pour favoriser le développement des bouteilles allégées, la Rabobank encourage vivement les opérateurs à faire la transition rapidement car « si la carotte ne suffit pas à les convaincre, les bâtons se multiplient à l’horizon. Pour l’allégement des bouteilles, la question n’est pas de savoir si cela va se produire, mais quand ».