Boutiers-Saint-Trojan, près de Cognac, Bertrand Chollet a bien peur d’avoir perdu une grande partie de ses plants de vigne. Ce pépiniériste exploite deux pépinières en bord de Charente avec son fils. Le 20 décembre dans l’une des deux, les plants étaient couverts par un mètre d’eau, dans l’autre par 50 cm. Conséquence de la crue de la Charente. « Ca fait dix jours qu’elles sont sous l’eau, témoigne Bertrand Chollet. Et c’est la deuxième fois que cela arrive. La première fois, c’était début novembre. Les plants de vigne étaient encore en feuille. L’eau est montée doucement. Il n’a y pas eu de ravinement, mais elle a détruit le feuillage. »
Début décembre, après la première décrue, Bertrand Chollet a pu récolter un tiers du million de plants qu’il produit. Puis la Charente est à nouveau sortie de son lit en causant des dommages, cette fois. « On arraché quelques plants pour voir leur état, explique Bertrand Chollet. Les racines sont noires. Elles ont pris la pourriture. J’ai peur que la récolte soit compromise. » Le pépiniériste en saura plus après la décrue qu’il espère pour Noël. En attendant, il se dit qu’il a bien fait de signer son premier contrat d’assurance multirisque climatique, l’an dernier, pour une de ses pépinières.
"De la paille de maïs s'est accrochée aux plants"
Dans la commune voisine de Nercillac, son confrère Jean-Claude Sauvaget est un peu moins touché. Il a réussi à arracher un peu plus de 40 % de ses plants avant la seconde crue. Et le 20 décembre, ceux qui restaient en terre n’avaient que les pieds dans l’eau. « La rivière a emporté beaucoup de paille de maïs qui s’est accrochée dans les plants, rapporte Jean-Claude Sauvaget. Ca va être compliqué de tout nettoyer ». Une autre chose le préoccupait davantage. « On n’a pas de commande pour les mises en œuvre de l’an prochain. En 2023, on a produit 900 000 plants. On va réduire de moitié. » Conséquence de la brutale chute des ventes de cognac.
Dans la pépinière de Jean-Claude Sauvaget à Nercillac, les plants ont les pieds dans l'eau et sont recouverts de paille de maïs charriée par le fleuve (crédit photo JC Sauvaget)
Plus en aval de la Charente, à Brives-sur-Charente, Jean-Philippe Bergier Redoute de ne pas arriver à distiller tous ses vins avant la date limite du 31 mars. Depuis le 14 décembre, sa distillerie est à l’arrêt : elle est inondée tout comme la route qui y mène. « Même si on voulait continuer, les camions de gaz n’accèdent plus », explique ce bouilleur de cru à la tête d’une exploitation de 20 ha. Dès que l’eau se sera retirée, il devra mettre les bouchées doubles pour tenir les délais. « Habituellement, à cette époque les alambics tournent 24 heure sur 24. Or là on est à l’arrêt alors qu’on a une grosse récolte à distiller. » Sans compter qu’il devra aussi nettoyer au plus vite toutes ses barriques d’eau-de-vie qui ont eu les pieds jusqu’à 40 cm dans l’eau.