e n’est pas nouveau : les boissons alcoolisées ont toujours représenté une « cible facile » pour de nombreuses administrations à travers le monde dès lors qu’il s’agit d’augmenter les recettes fiscales. Les pays du Nord de l’Europe, notamment, sont des champions pour prélever les « taxes du péché » et en 2023 ils ne dérogent pas à leurs habitudes. A commencer par le Royaume-Uni qui, au 1er août dernier, a mis en place un nouveau dispositif pour le calcul des accises qui s’est soldé, d’emblée, par une hausse de 20 % pour les vins, en attendant une nouvelle évolution début 2025.
Ses homologues scandinaves ne sont pas en reste : la Suède a procédé à une augmentation des accises sur l’alcool en janvier dernier, le nouveau gouvernement finlandais annonce une hausse des taxes sur les vins et spiritueux (mais pas sur les bières) et l’Estonie (et son nouveau gouvernement également) souhaite appliquer de son côté une augmentation des accises sur l’alcool. Le seul élément qui permet de freiner les velléités fiscales de la région nordique porte sur le commerce transfrontalier : chaque pays de la zone regarde de près le niveau fiscal chez ses voisins pour éviter des achats massifs de l’autre côté des frontières.
Mais les taxes sur les boissons alcoolisées ne représentent pas qu’une manne fiscale : en Russie, hormis un besoin pressant de faire entrer de l’argent dans les caisses de l’Etat, elles constituent également une arme géopolitique. On a vu l’effet catastrophique des taxes imposées par la Chine en 2021 sur les vins australiens. C’est désormais la Russie qui souhaite se venger de pays « hostiles » dans le contexte de la guerre en Ukraine, en imposant une hausse de 12,5% des accises sur les vins importés depuis la zone Europe, mais également des Etats-Unis ou de l’Australie, par exemple. En revanche, sont épargnés les pays d’Amérique du Sud comme le Chili et l’Argentine, tout comme l’Afrique du Sud, considérés comme neutres et donc « amis ». L’augmentation s’applique depuis le 1er août dernier et impacte notamment les vins d’entrée de gamme, comme le précise Ignacio de Andres, agent commercial basé en Espagne avec une activité importante en Russie, Ukraine et Biélorussie. « L’impact est très fort sur les vins commercialisés à moins de 2,50 € Ex Works. Il faut savoir qu’il y a un minimum de 1,5 $ le litre à payer ».


Pour l’agent espagnol, qui a déjà perdu 60% de son activité en Russie depuis le début de la guerre, les ventes de vins de haut de gamme ne devraient pas trop pâtir de cette hausse, mais celle-ci va favoriser inévitablement les vins sud-africains et sud-américains, de même que la production locale. « C’est le but », rappelle Ignacio de Andres, qui relativise toutefois : « Cette mesure est certes inquiétante, mais en même temps, au début de la guerre je pensais qu’il y avait un risque pour l’ensemble des exportations vers la Russie. Or, on peut continuer à exporter. Ni l’Europe ni la Russie n’ont fermé la relation commerciale pour le vin. Ce n’est pas la même chose pour certains produits comme les colorants à base de raisin qui sont totalement à l’arrêt ». L’inquiétude demeure, cependant : « En Russie, on ne sait jamais de quoi demain sera fait. Quelle sera la situation monétaire par exemple ? Au début du conflit, le rouble était très fort, aujourd’hui il est faible. Chaque jour il y a quelque chose de nouveau et de difficile. On peut continuer à y travailler – je sais qu’il y a des caves qui se rendent en Russie – mais personnellement je trouve que le pays a changé ».
Enfin, étonnamment, le marché ukrainien se porte mieux que ce qu’on aurait pu imaginer : « Bien sûr, cela reste un petit marché par rapport à la Russie, mais on y travaille mieux depuis la guerre qu’avant ». Dans le pays voisin de la Biélorussie, la situation est bien plus compliquée : « L’Etat a instauré une loi sur l’utilisation de l’acide ascorbique qui est autorisé bien sûr en Europe et en Russie, mais plus en Biélorussie, ce qui rend les exportations très compliquées ».