bullition dans les Corbières. A la veille d’un conseil d’administration décisif pour le syndicat de cette appellation majeure du Languedoc, à l’ordre du jour duquel figure le vote de maintien ou de sortie de de l’interprofession languedocienne (CIVL), le microcosme viticole s’est paré ces derniers jours d’une agitation préfigurant les grandes décisions.
C’est Christelle Alias, vigneronne en cave particulière au domaine Sainte-Marie des Crozes qui, à l’approche du vote décisif, a été surprise « d’apprendre par voie de presse que la décision de sortie de l’interprofession serait votée en conseil d’administration le 22 juin, alors que nous, vignerons, n’avons reçu aucune information de la part du syndicat sur la teneur des discussions de réconciliation avec le CIVL, ni aucun élément sur un quelconque plan stratégique une fois sortis de l’interprofession ». Après des échanges avec ses collègues, un collectif de 36 producteurs, particuliers, coopératives et négociants a signé un courrier adressé il y a peu aux membres du conseil d’administration de l’appellation.


« Nous ne nous présentons pas comme pro ou anti sortie de l’interprofession, nous revendiquons simplement de la transparence sur un enjeu aussi important. Une discussion et un vote de cet ordre ne peuvent pas se limiter aux 32 administrateurs. Nous demandons a minima une réunion d’information avant ce vote, et idéalement un vote en assemblée générale », poursuit Christelle Alias. Dans leur courrier, les 36 signataires demandent donc aux administrateurs « de justifier cette décision par un plan à 3 ans démontrant chiffres à l’appui l’intérêt d’une sortie de l’interprofession ». Hormis la copie du courrier de préavis de sortie envoyé par l’ODG au CIVL en avril 2022, le collectif de vignerons regrette qu’aucune autre information ni compte rendu mentionnant le CIVL n’ait été adressé aux producteurs de l’appellation. « Nous voulons de la transparence sur les échanges tenus lors des réunions de réconciliation avec le CIVL : nous souhaitons un document écrit reprenant les demandes adressées par notre ODG, les propositions de l’interprofession, mais aussi une présentation du projet futur pour l’appellation en cas de sortie, le budget, la communication », abonde Christelle Alias.
Pour Louis Fabre, propriétaire du château de Luc, de famille Fabre, et signataire du courrier du collectif, « les Corbières ne peuvent pas se lancer dans un conflit qu’on ne peut pas se payer ». 3 coopératives figurent également parmi les signataires, ainsi que quelques vignerons siégeant au conseil d’administration de l’ODG. David Latham, propriétaire du château Saint-Estève et président du Cru Boutenac, fait partie de ceux-là. Il attend plus de clarté concernant une décision aussi importante pour l’appellation, et espère être écouté lors du conseil d’administration pour que le vote soit reporté et organisé en assemblée générale. « Ce serait la solution la plus apaisante et la plus transparente, afin que tous nos vignerons puissent s’exprimer et choisir », défend-il.
Avec les autres administrateurs, il avait voté à l’unanimité l’envoi du courrier de préavis de sortie de l’interprofession en 2022, « mais comme moyen de pression au regard du poids de notre appellation, pas pour en acter définitivement la sortie, qui est une décision qui ne peut être prise à la va-vite avec si peu d’information disponible pour les vignerons », poursuit-il.
Craignant pour les conséquences néfastes sur les exploitations (cours des vins en baisse, communication moindre, accès aux subventions, aux informations économiques de filière…) qu’engendrerait la sortie de l’interprofession, le collectif conclue « qu’en temps de crise, c'est en se serrant les coudes et en ouvrant le débat que nous sortirons plus fort ». Rendez-vous le 22 juin.