dieux Audois ? La sortie de route d’un vigneron insultant la députée écologiste Sandrine Rousseau ce 12 juin en marge du blocage spontané d’un atelier politique ne peut susciter que la consternation. Si d’aucuns veulent minimiser la violence des propos en parlant d’un excès verbal folklorique, l’Aude ayant un ADN sanguin, ou en rappelant les multiples déboires du vignoble, pour tenter d’excuser ce qui ne peut l’être, il demeure que cette sortie de route rend inaudible le mal-être qui aurait dû être exprimé différemment. Car « tout ce qui est excessif est insignifiant » résumait Talleyrand. Ce n’est pas un cri du cœur qui a été émis, mais un pathétique aboiement qui a été entendu. Violences verbales et physiques n’ont pas leur place dans la filière vin. Et ce même si la sécheresse exacerbe les tensions. Se retrouver sans eau dans son vignoble n'excuse pas d’être ignoble avec Rousseau.
Inaudible dans ces altercations, la discussion qui a tenté d’avoir lieu ce 12 juin entre vignerons excédés et députées écolos aura tourné à l’échange d’affirmations péremptoires, chacun campant sur ses positions fermes et fermées. Dans ces échanges de caricatures, les viticulteurs verraient dans les élus verts de doux rêveurs citadins bernés par la Confédération Paysanne à en devenir dangereux pour la poursuite de toute activité agricole rentable, tandis que pour les écologistes, les agriculteurs doivent se convertir aux pratiques biologiques sinon ils sont abusés par l’agroindustrie et la FNSEA. Mais dans les faits, les vignerons ont une fibre écologiste indéniable, de la protection des terroirs à la gestion de la biodiversité, et les écolos ne rêvent pas de jachères et de friches à la place des vignobles actuels. Un entre-deux existe : il semble même défendu par la majorité silencieuse qui n’invective pas ce qui ne lui convient pas et ne l’écharpe pas sur les réseaux sociaux.
La recherche d’une durabilité environnementale, économique et sociale peut être le socle commun d’une discussion dépassant les clivages établis en chapelles se radicalisant (par l'invective ad hominem, mais aussi la dégradation de biens, comme l'opération incompréhensible des Soulèvements de la Terre ce 11 juin contre des essais maraîchers à proximité de Nantes). L’enjeu ne serait pas de convaincre l’adversaire de l’erreur de ses convictions face à la justesse de sa propre vision/expérience, mais de comprendre les objectifs complémentaires qui existent pour trouver un compromis profitable à tous. Pas de monopole des écolos sur l’environnement ni des vignerons sur le vignoble : les deux sont des biens communs trop précieux pour être des chasses gardées. Alors, on sort des anathèmes ne permettant pas de sortir de l’impasse et de trouver des alternatives ? « C'est notre époque qui a créé le terme outrancier ; naturellement elle a eu le mot, du moment où elle a eu la chose » écrivait l’historien Édouard Le Héricher en 1874. Un siècle et demi plus tard, ce serait le terme compromiscibilité qu’il faudrait inventer et utiliser. Un terme miscible, mi-compromis, et re-miscible derrière...