e revendiquant acteur de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE), le transporteur bordelais Veynat affirme sur son site que « nous avons fait du respect de nos écosystèmes, de l’environnement et de nos relations sociales et éthiques, les piliers de notre stratégie d’entreprise ». Une affirmation du spécialiste des transports de liquide (notamment dans le vin) qui est plus que nuancée par une succession de témoignages d’harcèlements sexuels rapportés par le journaliste Yann Saint-Sernin dans le Sud-Ouest. Il semble que rien ne manque au bingo des gestes et propos aussi déplacés qu’inacceptables de la part de cadres masculins à l’encontre d’une douzaine d’employées : œillades lubriques, « classement des filles baisables dans l’entreprise », commentaires sur le physique, sous-entendus graveleux, jet de trombone dans les décolletés échancrés, main dans les cheveux, pouet-pouet camion… ainsi que le partage d’une vidéo de masturbation et une agression sexuelle.
Dans la filière vin, c’est la stupéfaction devant ces révélations. « On est choqués » résume, estomaqué, un important négociant languedocien. Créée en 1884, la société de transports Veynat est connue comme le loup blanc sur les routes des vins de France, avec ces camions remorques spécialisés dans le transport du vin en vrac qui en font un opérateur phare. Avec 1 000 collaborateurs, 800 chauffeurs, 845 citernes, 200 conteneurs et 23 sites d’exploitation, Veynat est clairement l’un des premiers transporteurs de liquide en France.


Interpelée par une salariée, l’inspection du travail et les gendarmes de Bouliac (l’entreprise est basée à Tresse, Gironde) ont enquêté sur ces pratiques, poussant le procureur de la République à renvoyer l'entreprise et six personnes physiques devant la quatrième chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux ce 23 novembre : quatre cadres pour « harcèlement sexuel par personne abusant de son autorité », ainsi qu’« agression sexuelle » pour deux d’entre eux, et de son PDG pour « blessures involontaires », une lanceuse d’alerte ayant tenté de se suicider après des pressions l’ayant conduit en dépression. Avocate de cette dernière (devant le conseil des prud'hommes* avant de se constituer au pénal), maître Marion Stephan précise à Vitisphere que dans les affaires de harcèlement sexuel, « souvent il s'agit d'un individu. Là, ce qui marque c'est le côté généralisé et la protection des uns des autres. » Saluant « le courage de parler » de sa cliente, l'avocate parisienne relève des manquements de la société à son obligation de sécurité de ses employés, en plus des harcèlements moraux et sexuels.
En attendant l’audience prévue cette fin d’année, l’article du Sud-Ouest précise que ces quatre cadres sont désormais sous contrôle judiciaire avec l’interdiction de s’approcher dans l’entreprise à moins de deux mètres d’une salariée. Veynat réplique que « la société condamne toute discrimination et harcèlement au travail et est particulièrement surprise d’être mise en cause, compte tenu de l’étendue des mesures mises en place, notamment en matière de harcèlement. Elle conteste fermement les allégations de manquement à la protection de ses salariés » rapporte Yann Saint-Seurin.
Contactée par Vitisphere, la société Veynat n'a pas donné suite à date de publication.
* : Avec une demande de rupture du contrat de travail au tort de l'employeur.