ompliqué l’intéressement ? Julien Massé s’est vite rendu compte que non. « Je pensais que c’était un outil pour les multinationales, avec un long Cerfa à remplir, se rappelle-t-il. Et en fait, c’est vraiment très simple à mettre en place ».
C’est en 2021 que ce viticulteur associé avec ses parents sur une exploitation de 45 ha à Rouillac en Charente signe un accord d’intéressement avec ses salariés. « Je souhaitais mettre en place un système de prime pour les encourager à s’impliquer et pour partager nos résultats. Je suis parti sur l’intéressement », témoigne-t-il. Puis pour trouver la bonne formule, il a travaillé avec sa comptable.
L’intéressement se calcule sur des critères objectifs : le chiffre d’affaires, le bénéfice, le nombre de bouteilles vendues, la part de l’export dans les ventes, etc. Julien Massé a choisi de se baser sur le rendement. « C’est le critère qui parle le plus à nos salariés et c’est celui sur lequel ils ont un vrai impact, justifie-t-il. Le chiffre d’affaires repose sur ma capacité et celle de mes parents à bien vendre. Quant à la rentabilité de l’exploitation, elle dépend entre autres de la justesse de nos investissements ».
Comme tout intéressement, celui de l’EARL Massé se définit en deux temps : d’abord le calcul de son montant et ensuite sa répartition entre les bénéficiaires. Ici, le seuil de déclenchement a été fixé à 9 hl d’AP/ha (hectolitre d’alcool pur par ha), le rendement qui permet de couvrir les coûts de production dans les conditions actuelles. A partir de ce rendement, l’exploitation verse 200 € pour chaque hl d’AP dans un pot commun, multiplié par le nombre de salariés en équivalent temps plein, quatre en l’occurrence. Elle verse donc 800 € par hl d’AP récolté au-delà de 9 hl/ha.
La deuxième étape consiste à partager l’intéressement entre les salariés concernés c’est-à-dire tous ceux qui sont présents sur l’exploitation durant plus de trois mois par an. Julien Massé en emploie six répondant à ce critère : trois permanents, un apprenti et deux saisonniers. Il a souhaité partager l’intéressement au prorata du salaire annuel brut de chacun. Il leur a exposé son projet lors d’une réunion. Puis il leur a proposé de le signer. En effet, pour être ratifié au sein d’une petite entreprise, un accord d’intéressement doit être signé par la majorité des intéressés, ce qui fut fait à l’unanimité dans le cas présent.
Depuis deux ans qu’il est en vigueur, l’accord complète le revenu des salariés. En 2021, l’exploitation a récolté 14,5 hl AP/ha. Elle a donc versé 4400 € dans le pot commun. Les trois ouvriers ont touché une prime de plus de 1 000 euros, différente selon leur salaire annuel brut. L’apprenti, moins présent, a perçu moins. Les deux saisonniers ont reçu entre 300 et 350 €. En 2022, pour un rendement de 16 hl/ha AP, l’exploitation a distribué 5 600 € à ses salariés.
Cet intéressement est versé sur la fiche de paie dans les six mois qui suivent la clôture de l’exercice. Les saisonniers le touchent donc en juin, ce qui les motive pour refaire une saison l’année suivante. Et pour l’exploitant, le formalisme est assez limité : Il faut prouver le respect des critères, en l’occurrence le rendement moyen atteint par l’exploitation, à au moins l’un des salariés.
Julien Massé prévoit de reconduire cet accord en 2024 en le couplant, peut-être, à un PEE (plan d’épargne entreprise). Les salariés auraient alors le choix de voir leur prime d’intéressement versée en même temps que leur salaire ou de la mettre dans le PEE. Dans le premier cas, ils subiraient les prélèvements sociaux et fiscaux liés à leur revenu. Dans le second cas, l’intéressement serait bloqué pendant cinq ans, sauf cas de déblocage anticipé (achat d’une résidence principale, etc.), avec une exonération d’impôts et moins de prélèvements sociaux.
« Nous essayons d’être attractifs car nous préférons travailler avec des salariés de la région, en CDI, plutôt qu’avec de la main d’œuvre étrangère employée par des prestataires, explique Julien Massé. Quand la récolte est belle, tout le monde a le sourire aux vendanges !». Dans le même esprit, ce vigneron organise un voyage d’études de trois jours, tous les deux ans, dans un autre vignoble. En 2020, il s’est rendu en Bourgogne avec son équipe. Puis à Cahors et dans le Périgord en 2022. « Cela a un côté team-building, indique Julien Massé. On est tous ensemble dans un mini-bus. Cela renforce les liens ! ».