itisphere : Pourquoi créer seulement aujourd’hui un guide juridique pour les jeunes viticulteurs ?
Jean-Baptiste Thial de Bordenave : En préambule, je voudrais rappeler que l’institut dédié au droit du vin est une spécificité du Barreau de Bordeaux. Cela n’existe pas dans les autres Barreaux de France. Cette structure que je préside date de seulement un an. Il faut bien le dire, c’est une anomalie si l’on songe au fait que Bordeaux est la région viticole la plus puissante du monde et que le vin représente le levier économique numéro un de la région. Par ailleurs il faut rappeler que c’est dès 1985 qu’au sein de l’université de droit de Bordeaux a été créé un master dédié au droit de la vigne et du vin. Notre objectif est de « reconnecter » les acteurs de la filière viticole avec les avocats. Nous n’avons pas été assez proches du tissu économique local. Et nous devons changer l’image de l’avocat, cher, peu accessible, inintelligible et indisponible. Car on se rend bien compte que le viticulteur n’a pas pour premier réflexe de faire appel à un avocat. Il se tourne plutôt vers son comptable, vers des professions périphériques, utilise le système D ou demande à des connaissance une aide dans le droit du vin. Aller d’emblée vers un avocat, ce n’est pas naturel. Le premier outil de cet Institut est donc un guide juridique pour les jeunes viticulteurs que nous avons présenté lors de notre colloque qui s’est déroulé ce 1er juin.
Vitisphere : quel a été le déclic à la création de ce guide ?
Jean-Baptiste Thial de Bordenave : Je suis moi-même fils de viticulteur de l’Entre-Deux-Mers. Je vois bien les difficultés pour survivre dans un environnement économique compliqué. J’ai pensé à mon père. Et aux viticulteurs confrontés à des problématiques : comment exporter, comment se comporter face aux contrôle des fraudes. Face à un abandon de poste d’un salarié, quels sont mes droits et mes devoirs. Suis-je bien protégé. Ais je déposé mon nom de château. La complexification du monde administratif et juridique rend souvent la tache insurmontable pour des viticulteurs déjà bien accaparés par leur cœur de métier.
Vitisphere : quelles sont les thématiques qui composent ce guide ?
Jean-Baptiste Thial de Bordenave : je veux préciser le fait qu’il y a déjà des guides faits par des syndicats, ou par le CIVB par exemple. Mais là il s’agit d’un guide juridique réalisé par des avocats spécialisés en droit social, en droit des marques etc... Une quinzaine d’avocats a rédigé les chapitres de ce guide, qui se veut un document accessible mais avec une qualité juridique totale. Les thématiques sont de plusieurs ordres : on y retrouve l’acquisition, la cession, la transmission des exploitations viticoles, les questions relatives au droit rural (droit des plantations, baux ruraux, fermages), le droit des marques. Trop souvent le viticulteur ne s’en occupe pas et pense que son vin ne sera pas contrefait. C’est faux. De plus en plus d’importateurs et de distributeurs exigent d’avoir la preuve que la marque est bien déposée à l’exportation. Le dépôt de marque est à la fois un passeport commercial et un bouclier. C’est un mouvement qui a vu le jour avec l’explosion des vins de Bordeaux en Chine dans les années 2000. De même le guide traite de l’étiquetage, du packaging, des règlementations européennes. Qu’a-t-on le droit de mettre sur une étiquette. C’est très complexe. Certains pensent qu’indiquer le millésime sur l’étiquette est obligatoire, or ce n’est pas le cas. Enfin, il ne faut pas négliger le volet marketing et communication. On ne plaisante pas avec les règles à appliquer. Le guide est dématérialisé. Il est gratuit, et se retrouve en ligne sur le site du barreau de Bordeaux. Il sera régulièrement abondé, complété, corrigé en fonction des évolutions du secteur, de la législation.
Vitisphere : quels conseils donneriez-vous à un jeune vigneron ?
Jean-Baptiste Thial de Bordenave : Le métier du vin est passionnant mais très dur, éprouvant et souvent ingrat. Nous voulons lui dire que nous sommes là pour des questions techniques. Il ne s’agit pas de forcer la relation mais au travers de ce guide de montrer le chemin, mieux, de débroussailler, et de l’envoyer vers la bonne personne qui répondra à sa problématique. Nous avons créé une boussole juridique pour le viticulteur. C’est ce que veut être ce guide.