On avance. Il n’y a pas une appellation qui ne travaille pas sur son adaptation au changement climatique », assure Jérôme Bauer, président de la Cnaoc, la confédération des syndicats d’appellation d’origine contrôlée. Ce sujet était au menu du congrès de ce syndicat le 27 avril à Villé Morgon.
Les pistes sont nombreuses. « Nous allons revoir la directive délimitation pour permettre l’intégration des zones fraîches ou exposées au nord dans les aires délimitées », a annoncé Christian Paly, président du comité national des vins AOC de l’INAO, sans donner plus de détails. Déjà des syndicats, parmi lesquels celui de Saint-Chinian, demandent une révision de leur aire pour réintégrer des secteurs jugés trop frais par le passé.
Le changement climatique, ce n’est pas seulement le réchauffement. C’est aussi le dérèglement. Pour renforcer la résistance des exploitations à ces aléas, la Cnaoc demande à pouvoir dépasser le rendement butoir après une récolte déficitaire, si la vendange s’y prête en volume et en qualité. La Champagne et la Bourgogne ont bénéficié de cette mesure inédite à titre exceptionnel l’an dernier.
En Bourgogne, « ce déplafonnement a permis de récolter 13000 hl supplémentaires, soit 1,75 millions de bouteilles. C’est une mesure très utile. A la limite, le rendement butoir on pourrait presque l’enlever », a témoigné Thiebault Huber, le président de la confédération des appellations et des vignerons de Bourgogne (CAVB).
« Les années où il y a de beaux raisins, il faut qu’on les rentre », a ajouté Maxime Toubart, président du syndicat général des vignerons de Champagne.
Pour Jérôme Bauer, les principes sont fixés. « Il faut obligatoirement qu’il y ait eu un fort aléa l’année n-1 et que les réserves soient bien amputées pour autoriser ce dépassement, illustre-t-il. Il s’agit maintenant de rendre pérenne ce qui n’est que dérogatoire. L’Etat doit nous aider ».
Sur le plan agronomique, les pistes sont encore plus nombreuses : agrivoltaïsme, abaissement de la hauteur de feuillage, abaissement de la densité de plantation pour simplifier l’entretien des sols ou remédier à la sécheresse, agroforesterie... Autant de pratiques qui peuvent contrevenir aux règles fixées dans les cahiers des charges et que les vignerons d’appellation ne peuvent donc pas tester sauf à sortir de leur appellation.
La Cnaoc et l’INAO veulent lever ce verrou. Pour Jérôme Bauer, « il faut encadrer les essais pour qu’on connaisse l’incidence des changements que l’on veut mettre en œuvre. Il faut avancer vite sur cette question. »
En juin, l’INAO doit présenter un Dispositif d’évaluation des innovations sur le modèle de celui qui permet de tester des variétés nouvelles ou anciennes au sein des appellations (dispositif Vifa).
A ce sujet, Joël Boueilh, président des Vignerons coopérateurs de France, a fait une sortie. « Quelque chose m’échappe, a-t-il dit. Pourquoi mettre dans le même sac les cépages autochtones et les cépages créés de toutes pièces alors qu’ils ont des histoires différentes ? On intéresse les journalistes et les consommateurs avec ces vieux cépages. En volume, ils ne représentent rien, mais ils font le sel de notre discours. On a besoin de réactivité sur ce sujet pour répondre aux attentes des consommateurs ».
« Nous ne mettons pas dans le même sac les nouvelles obtentions et les cépages autochtones, nous les mettons à égalité de pertinence, à égalité de chance », a répondu Christian Paly. Fin de la discussion. L’INAO n’a pas ouvert tous ses chakras à Villié-Morgon.