ntre flétrissement des baies et défoliation, la vigne souffre un peu plus chaque été du réchauffement. Certains appliquent de l’argile pour protéger les raisins de ses excès. « Mais le principal inconvénient de ces produits traditionnels, c’est leur manipulation, avance Laurent Bournerie, chef de culture du Château de France à Pessac-Léognan (Gironde). Les sacs sont lourds. Comme ce sont des poudres à réhydrater, vous êtes quasi certain de boucher les buses du pulvé lors de l’application. »
La saison dernière, Laurent Bournerie a donc décidé de tester un nouveau produit, Cle’flo, une crème d’argile de Vivagro censée réduire les méfaits de l’échaudage et les attaques de cicadelle. « Nous avons réalisé un essai sur 4 hectares de merlot : deux applications à trois semaines d’intervalle, la première après floraison pour lutter contre l’échaudage et la cicadelle, puis une deuxième autour du 20 juillet, uniquement contre les coups de soleil », précise-t-il.
À la vendange, Laurent Bournerie a constaté « une réduction de l’échaudage sur baie et un feuillage plus vert sur le haut des vignes ». S’agissant de la mise en œuvre du produit, il explique : « Cle’flo est bien plus simple d’emploi que Baïkal WP, une poudre que j’utilise aussi. C’est un produit visqueux, un peu granuleux mais qui ne colmate pas les buses. Je remplis d’abord le réservoir aux deux tiers avec de l’eau et, seulement après, j’ajoute la crème d’agile à raison de 10 l pour 140 l d’eau. »
À Mazan, dans le Vaucluse, François Largaud, coopérateur chez les Vignerons de Saint Marc-Canteperdrix, a testé Calsun d’UPL, un autre nouveau produit, liquide également, pour lutter contre l’échaudage. Il l’a pulvérisé sur 1,5 ha de syrah et de viognier, deux cépages sensibles aux fortes chaleurs. « C’est facile à utiliser et à diluer dans la cuve : aucun risque de boucher les buses de la pulvé, rapporte-t-il. J’ai fait deux passages, l’un en début de véraison et l’autre à mi-véraison. Mais, à la vendange, je n’ai pas vu de différences sur le feuillage ni sur les baies. Les raisins n’étaient pas moins flétris, par contre ils étaient tout blancs. Sur les rouges, ça se voyait bien. Le produit est très résistant au lessivage. »
Xavier Talenton, vigneron à Larroque-sur-l’Osse, dans le Gers, est plus sceptique quant à la facilité d’utilisation de Calsun, qui « a tendance à faire des grumeaux. Il faut bien le diluer avant application », pointe-t-il. Quant au résultat, il note qu'« à l’œil nu, il ne semble pas plus efficace que le talc contre l’échaudage. Mais, sur les parcelles d’ugni blanc que j’ai traitées, on a observé moins de pourriture lors des vendanges tardives. Cela est peut-être dû au calcium apporté par le produit ».
Aux Celliers d’Orfée, la cave coopérative d’Ornaisons, dans l’Aude, des vignerons ont mené des essais avec GrapeGuard d’Erbslöh, une nouveauté à base d’argile destinée à réduire la consommation d’eau de la plante. Alain Cros, l’un de ces coopérateurs, a fait un essai sur 50 ares de syrah. « On a appliqué le produit début véraison et on a fait trois passages à dix jours d’intervalle. Les marqueurs de la sécheresse – défoliation, jaunissement des feuilles et flétrissement des baies – sont apparus plus tardivement dans les parcelles traitées. Mais les vignes ont quand même décroché huit-dix jours avant la vendange et au final on a récolté les mêmes raisins dans la parcelle traitée que dans le témoin. »
Philippe Albert, un autre coopérateur, a obtenu de meilleurs résultats : « Le produit s’est révélé efficace sur les grenaches. À la vendange, le feuillage était moins touché par la sécheresse et on a obtenu une meilleure maturité, puis une meilleure mise en réserve. »
À l’origine de ces essais, Charlotte Manière, responsable vignoble de la coopérative, ajoute que GrapeGuard a également été testé sur des raisins blancs. « Le résultat était plus intéressant, avec un véritable gain aromatique, une préservation de l’acidité et des thiols, des molécules particulièrement sensibles au coup de chaud », assure-t-elle.
Pour Philippe Albert, la mise en œuvre de GrapeGuard reste compliquée. « La préparation est fastidieuse, explique-t-il. Il faut bien mouiller le produit la veille, laisser gonfler pendant 12 heures, puis mélanger à nouveau juste avant application. Sinon la bouillie est trop visqueuse et bouche les buses. » Malgré tout, si la météo l’y oblige, il n’hésitera pas à le réutiliser cette année.
Vivagro, UPL et Erbslöh, ces trois firmes lancent des produits contre les coups de soleil plus simples à manipuler et à appliquer que les argiles traditionnelles. Chez Vivagro, il s’agit de Cle’flo, une crème d’argile concentrée à 600 g/l. Outre le fait qu’il n’est pas nécessaire de réhydrater ce produit, la firme annonce qu’il est moins abrasif qu’une argile traditionnelle. La dose recommandée est de 10 à 20 l/ha. Un délai de trois semaines minimal est à respecter entre deux applications. Pour sa part, Erbslöh propose GrapeGuard, une poudre à réhydrater, mais peu abrasive du fait de sa granulométrie inférieure à 100 mg et qui s’applique jusqu’à trois fois par saison et entre 8 et 20 kg/ha. Calsun d’UPL, à la différence des deux produits précédents est à base de carbonate de calcium. Cette solution liquide s’applique à raison de 10 l/ha. Son prix avoisine les 4,20 €/l. Pour Cle’flo, il faut compter 4,50 €/l et pour GrapeGuard, 2 €/kg.