i l’on parle de viticulture héroïque en France quand il est question de vignobles escarpés, comment évoquer le courage des vignerons ukrainiens mettant quotidiennement leur vie en danger à proximité de la ligne de front ? « Même si c’est dangereux, nous essayons de continuer à produire » pose comme une évidence Svitlana Tsybak, la présidente de l’association des vignerons ukrainiens (réunissant 72 producteurs). Tenant pour la première fois un stand national ukrainien sur le salon ProWein (19-21 mars à Düsseldorf), la filière ukrainienne connaît des situations totalement différentes selon les zones, et leur proximité avec le conflit déclenchée par l’invasion russe de février 2022.
Les zones de guerre forment un véritable trou noir, dont les informations ne sortent pas. Impossible par exemple de savoir ce qui se passe à Zaporijjia pointe Svitlana Tsybak. Ailleurs, Artwinery se trouve sous les obus à Bakhmut : revendiquant un temps le titre de premier producteur de vins effervescents de l’Europe de l’Est, avec 20 millions de cols, le groupe fait désormais une croix sur ses installations et stocks. Possédant 200 ha de vignes dans la région libérée de Kherson, le domaine Prince Trubetskoi a vu son château historique occupé et dévasté, ses bouteilles volées et retrouve son vignoble encore miné. Des bombardements fréquents rendent encore impossible la reprise en main du domaine, où les vendanges n’ont pas pu être réalisées en 2022.


Dans les zones libres, les vignerons se trouvent plus ou moins touchés selon leur distance aux combats. « Nous sommes éloignés du conflit, Notre principal problème est l’approvisionnement en bouteilles de verre. C’est quasiment impossible d’en avoir alors que les usines ukrainiennes sont à l’arrêt » indique Igor Petrenko, le vigneron du domaine Biologist (13 hectares de vignes dans les régions de Kyiv et d’Odessa). « Nous fonctionnons, mais pas normalement » ajoute Svitlana Tsybak, dont le domaine Beikush (13 hectares de vignobles dans la région de Mykolaiv) se trouve de l’autre côté de la ligne de front, juste en face des troupes russes. La proximité de la guerre se traduit par des obus, mais aussi des assassinats de vignerons par des forces armées. Une ingénieure agronome a ainsi été abattue dans ses vignes rapporte la présidente des vignerons ukrainiens.
Suscitant l’intérêt des visiteurs, notamment des pays scandinaves, de Grande-Bretagne et des États-Unis, les vins ukrainiens étaient avant l’invasion dans une phase de reconstruction. Un retour à la culture ukrainienne après la chute de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) qui privilégiait la quantité à la qualité explique Sergyiv Klimov, qui rédige un livre sur l’histoire méconnue du vignoble d’Ukraine. Ce retour aux racines antiques s’appuyait notamment sur le développement des cépages autochtones, notamment dans la péninsule de Crimée, annexée depuis 2014 par la Russie. S’étendant sur 36 600 hectares pour 1,65 millions d’hectolitres de vin, le vignoble ukrainien connaît bien le conflit avec la Russie.
La première participation au salon ProWein des vignerons ukrainiens sur un stand national est soutenu par des fonds américains de développement.