nvité à présenter son travail à l’occasion de la journée scientifique vigne et vin (JSVV) organisée le 16 mars à l’Institut Agro de Montpellier, Fabrice Vinatier, chercheur à l’Inrae (UMR LISAE), a d’abord rappelé que « plus les paysages agricoles sont complexes (haies, bosquets, forêts…), plus la biodiversité associée augmente ». L’eau est au centre du contrôle de ces écosystèmes terrestres, en tant que ressource essentielle pour la faune, la flore, les micro-organismes. Le rôle des fossés entourant les parcelles viticoles n’est donc pas à négliger.
Le chercheur et son collègue Jea-Stéphane Bailly travaillent sur le rôle des fossés agricoles en zone méditerranéenne, et notamment ceux, nombreux, quadrillant le paysage viticole languedocien. « Le réseau de fossés y est assez dense autour des parcelles, dans le but d’assurer un drainage essentiel lors des intenses épisodes pluvieux méditerranéens. Non-productifs sur un strict plan viticole, ces fossés sont entretenus par les viticulteurs pour empêcher leur débordement, à l'origine de l’érosion accentuée des sols des parcelles », explique Fabrice Vinatier. Outre ce strict effet mécanique, le chercheur souligne l’ensemble des services annexes qu’offrent ces fossés. La flore qui s’y implante constitue un habitat pour les auxiliaires de culture, les prédateurs de ravageurs, et les pollinisateurs, d'après les travaux de synthèse de Jeanne Dollinger, chercheuse INRAe. « Ces fossés jouent également un rôle de connexion pour les populations animales, d’habitats pour certaines espèces, et un support pour la biodiversité végétale. Ces bénéfices sont maximisés si ce réseau de fossés s’intègre dans un paysage agricole complexe », reprend le chercheur.
Le chercheur et son ex-doctorante Gabrielle Rudi ont dénombré jusqu’à 60 espèces végétales sur 100 mètres de linéaires de fossés et estiment à plus de 200 le nombre d’espèces trouvées dans les fossés bordant les vignobles. « Une approche couplant observation, expérimentation et modélisation montre tout son intérêt pour optimiser les services écosystémiques fournis par cette biodiversité, en particulier vis-à-vis de la ressource en eau », défend Fabrice Vinatier. Néanmoins, il précise qu’un fossé végétalisé peut avoir jusqu’à 10 fois moins de capacité hydraulique qu’un fossé non-végétalisé, cette dernière variant en fonction des caractéristiques des plantes implantées et leur densité. « La gestion de ces fossés doit donc être un compromis entre son efficacité hydraulique et son rôle positif en faveur de la biodiversité, végétale comme animale », explique Fabrice Vinatier. Il conseille ainsi aux viticulteurs de ne cibler leurs interventions d’entretien des fossés qu’à l’approche des risques d’épisode méditerranéens, à l’automne.


La fauche et l'écobuage recueillent les faveurs du chercheur pour l’entretien des fossés, « car elle permet de laisser un couvert déjà minéralisé ou susceptible d’être minéralisé par la suite sous forme de mulch », appuie-t-il. Il souligne également que malgré leur faible surface, « les fossés participent jusqu’à 50% à recharger les nappes phréatiques pendant les épisodes de fortes pluies d'automne», d'après les travaux de sa collègue Cécile Dagès. Il y voit donc un axe de travail essentiel pour les viticulteurs pour gérer l’organisation et l’entretien de ces fossés. « Plutôt qu’une gestion de chacun autour de ses parcelles, il y aurait un très grand intérêt à gérer l’entretien de ces fossés à l’échelle d’un bassin versant, en disposant par exemple des fossés favorisant la rétention d’eau dans les parties amont, et des fossés à forte capacité d’évacuation à privilégier en aval pour empêcher la submersion », développe-t-il.
La végétation exerçant une force de friction sur les écoulements d’eau, l’identification et la sélection des propriétés fonctionnelles des espèces spontanées peuplant les fossés pourraient permettre d’établir des espèces végétales à favoriser selon leur position dans le bassin versant, et leur rôle dans le partage des écoulements. Fabrice Vinatier souligne également l’intérêt de fossés à double pente. « C’est un dimensionnement intéressant qui existe par endroit. Il permet d’entretenir un fonds de fossé central très fin qui permet d’écouler les eaux de faible débit. Au-dessus, une section plus large accueille la diversité de végétation et permet d’évacuer les forts débits d’épisodes de fortes pluies », décrit-il.